La Politique

Voici un des termes centraux du fonctionnement dit « démocratique », constamment utilisé sans que l’on s’interroge sur sa signification réelle et pourtant investi d’une multiplicité de sens souvent radicalement antinomiques. Quelle est, par exemple, sa parenté de contenu selon qu’il est employé par un militant sincère d’un grand parti, un jeune idéaliste indigné, un politicien roué en début ou fin de carrière, ou bien un politologue médiatique patenté ? En fait aucune ! Le premier s’en sert pour décrire les stratégies et les actions (dont son rôle) qui amèneront peut-être « son candidat » à la « victoire », le second pour qualifier les discussions et débats enflammés qu’il vit passionnément avec ses congénères, le troisième ne l’utilise que pour protéger et promouvoir ses intérêts carriéristes (il « fait » de la politique !) et enfin le dernier en donne une version policée et consensuelle, cataplasme de légitimité à l’usage des populations anesthésiées.
D’ailleurs, le mot, étymologiquement, est bien loin d’être précis. Il est emprunté au latin Politicus, « relatif au gouvernement des hommes », lui-même pris au grec politikos « qui concerne les citoyens, l’état » d’où « habile dans les affaires publiques », également « qui à la faveur de ces concitoyens » et, plus étonnement « capable de vivre en société ». Politikos vient de politês « de la cité, de l’état », substantivé (politeia) pour désigner le citoyen et, par extension l’ensemble des citoyens » et, in fine, « constitution républicaine ou démocratique » (il a d’ailleurs nommé, sous Cicéron, « La République » de Platon). Politês est lui-même dérivé de Polis « la cité » mais qui a d’abord désigné « la forteresse, où se trouvent les sanctuaires, au coeur et en haut de la ville ». Il est remarquable de constater que l’on retrouve bien dans cet éventail de sens ceux que j’ai exposés en amont et qu’ainsi il n’y a rien de bien neuf dans son utilisation contemporaine.
La confusion est originelle…
On y découvre également la confirmation que « politique » et « citoyens » sont étymologiquement fondamentalement imbriqués d’autant que « cité », issu du latin civitas a eu le sens abstrait de condition de citoyen « droit de cité »; par métonymie il s’est appliqué à « l’ensemble des citoyens » et par la suite, « au siège d’un gouvernement ». Il a ainsi désigné la ville en tant que « corps politique ».
Par contre ce qui est susceptible de nous éclairer c’est sa dernière définition relative à un lieu sacré et militarisé. Elle permet d’attribuer au mot politique deux axes sémantiques bien distincts, complémentaires mais aussi contradictoires, et pourtant totalement enchevêtrés.
Le premier, et plus ancien, qui représente le pouvoir absolu, sanctuarisé et inaccessible, mais au coeur intime de la configuration sociale. Ce que l’on retrouve de nos jours par exemple en France avec la survivance inébranlable du Palais de l’Elysée et de ses rituels monarchiques, en plein centre de Paris-Capitale, symbolique déni de toute réalité démocratique !
Le second, lorsqu’il qualifie l’action revendicatrice et solidaire d’une population, exprime l’espoir d’une capacité humaine à orienter consciemment son évolution et la formidable et émouvante idée de progrès social. Mais à notre époque, cette dualité équivoque déconsidère l’ensemble du « champ » politique et la confusion qui en résulte ne peut que produire une société désespérée. La cauchemardesque « mascarade » électorale de ce printemps 2012 en France en est la dernière manifestation en cours ; elle nous plonge dans des abîmes de lassitude, finissant par annihiler toute capacité de révolte, submergés que nous sommes par ce flot ininterrompu de futilité et de démagogie, de contrevérités et d’ endoctrinement ….Il serait sans doute opportun de comptabiliser le nombre de personnes fermant brutalement, qui leur radio, qui leur télé, pour échapper un moment ou définitivement à cet hébétement organisé !
La Politique devrait être le centre vital et dynamique de notre évolution sociale, un espace d’intelligence de nos contradictions d’où pourrait naître une réelle espérance de justice, de solidarité et de paix, un lieu de fédération des énergies affranchies de la dictature de l’égo (ce que Kant appelait « le moi pathologique »), enfin la véritable et sincère tentative d’appliquer la devise tant bafouée : Liberté, Egalité, Fraternité !
Elle ne peut revêtir ce sens que par l’instauration parallèle de principes décisionnels réellement démocratiques, organisation sociale où chaque « personne » est investie d’une véritable responsabilité citoyenne, pour lui-même et pour la collectivité, devenant ainsi l’acteur majeur du devenir de « La Cité ».

Le 15 mars 2012
Singulier.eu

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