La « Grotte Chauvet 2-Ardèche » anciennement « Caverne du Pont d’arc » ou le triomphe de la Culture-marchandise adossée à la falsification de l'histoire! 

La lecture de ce qui suit est fort longue, et n’intéressera certainement que ceux qui ne se laissent pas facilement abuser par une belle façade marketing. Ils sauront peut-être y voir un exemple emblématique de la manière dont l’Etat et les collectivités locales « gèrent » de nos jours la Culture dite patrimoniale !
Dans un premier temps, bousculant la chronologie (mais finalement revenant au tout début de cette « petite histoire » aux multiples rebondissements) c’est par la « nouveauté évènementielle» de ce début d’année 2019 que débute cette chronique…

Printemps 2019…     
Fini la « Caverne du Pont d’Arc », bienvenue à la « Grotte Chauvet 2 Ardèche» ! La nouvelle appellation du facsimilé de ce « joyau de la préhistoire », qui peut paraitre à première vue anodine s’avère, en réalité, le consternant épilogue d’une bien rocambolesque affaire de gros sous  entre les « découvreurs » (Jean-Marie Chauvet l’« inventeur », Éliette Brunel, et Christian Hillaire) et les instances publiques (ministère, collectivités locales, syndicat mixte d’exploitation)… Conflit qui a engendré, tenez-vous bien, 25 ans de procédures judiciaires…! Et en outre, c’est bien là le plus aggravant, ces péripéties vénales, somme toute assez banales, en dissimulent une, à l’origine, autrement plus détestable. Car les trois susnommés ne furent pas seuls au cours de l’exploration (en plusieurs étapes) qui a finalement mené à « La Découverte ». En réalité, dès le tout début, ils étaient six, indissociablement impliqués ! Ce que les trois « exclus » (Daniel André, Michel Chabaud et Michel Rosa) ont fini par faire publiquement savoir, lors d'une conférence de presse le 15 décembre 2014, déclarant ce jour-là qu'ils appartenaient au groupe ayant repéré l'entrée éboulée de la grotte en 1994 et, à ce titre, revendiquaient à leur tour le titre d'inventeurs. Affaire dans l’affaire, systématiquement minimisée voire étouffée, elle mérite, au moins de notre point de vue, d’être, dans un simple souci de justice, ramenée un instant à la lumière et qui plus est parce qu’elle est l’élément indispensable et seul à permettre de comprendre véritablement les incohérences et tergiversations successives autour du « nom » attribué à la réplique, et tout particulièrement le nouveau à ce jour !
Car derrière le combat acharné des trois « officiels » à faire accepter leur droits moraux (et surtout financiers) face à des pouvoirs publics retords et peu enclins à leur laisser une part du gâteau (ce qui peut, malgré tout, être considéré comme admissible / cf. ci-dessous) émerge soudainement un acte de déloyauté originel bien peu reluisant qui lui ne suscite que très peu d’indulgence…
A ce stade je vous invite à entendre la parole d’un des principaux « laissés pour compte » (Michel Rosa dit « Baba ») dont le témoignage vaut de nombreuses pages d’écriture :
témoignage de Baba Cliquez sur l'image !

Les multiples péripéties qui jalonnent ce qu’il est difficile à postériori de ne pas nommer trahison, pimentée d’un remarquable esprit de duperie, nécessiteraient ici de trop longs développements et je me dois et ne peux que renvoyer à un blog, fort bien documenté, rédigé par Jean-Marc Pellet, citoyen indigné de Saint Remèze , bourgade à la fois proche du site archéologique et de son facsimilé, qui s’est donné pour mission de rétablir quelques vérités sur cette très sombre histoire. Un « lanceur d’alerte » local dont il m’apparait qu’il faut saluer les efforts pour éviter que l’Histoire Officielle ne vienne, comme à l’accoutumée, ensevelir la réalité évènementielle, la remplaçant par le récit glorieux et mythique d’une admirable aventure humaine ! (Son blog ici !)
Le primordial objectif de son article est de donner à lire les textes écrits par le groupe des « laissés pour compte » qui furent remis aux journalistes présents lors de cette fameuse conférence de presse du 15 décembre 2014. Si elle provoqua, à l’époque, une petite vague médiatique force est de constater, cinq ans plus tard, qu’aucune trace en a perduré ! Et que la falsification de l’Histoire n’est pas une priorité du journalisme d’investigation… Il est vrai que si c’était le cas il manquerait cruellement d’effectif…
Alors modestement il me semble utile de participer à cet effort de mémoire et de publier également ces témoignages dont l’importance occultée m’apparait peu contestable…Ils se répartissent en trois parties, chacune, ici, renvoyant à un document PDF :  
1- Historique
2- Raisons des révélations tardives
3- Ce que nous voulons  
Ils n’ont, bien évidemment, rien obtenu ! Et l’on conçoit aisément qu’en nommant  la réplique, officiellement « Grotte Chauvet » c’est l’ultime reniement de la vérité fondatrice qui vient d’être opéré. Je sais que ces quelques lignes ne changeront rien à l’affaire, mais elles viendront s’ajouter et peut-être affermir les traces mémorielles déjà bien présentes de cette mystification, aussi personnelle qu’institutionnelle.       

L’affaire « Chauvet »…
Elle démarre quasiment lors de la découverte de la cavité le 18 décembre 1994, par Jean-Marie Chauvet, Éliette Brunel, et Christian Hillaire, spéléologues amateurs. Détail d’importance : le premier est également contractuel du ministère de la Culture, chargé de la surveillance des grottes ornées de l’Ardèche. Un mois après la découverte, la grotte est définitivement fermée pour protéger ses très fragiles et uniques dessins préhistoriques, datant d’il y a 35 000 ans. Mais très vite les appétits de tous ordres s’aiguisent autour de ce « trésor », source immense de profits à venir !
La bouffonnerie est lancée … 
D’abord le ministère va contester aux découvreurs le droit de toucher des royalties sur les photographies du site. Motif : Jean-Marie Chauvet l’aurait trouvé dans le cadre de son activité professionnelle. Un procès s’engage…Cinq ans plus tard, en juillet 1999, le tribunal de Lyon tranche en faveur des 3 spéléologues, et, patatras, condamne trois hauts fonctionnaires pour faux en écriture.

Marque déposée mais...
A ce stade il faut savoir qu’en 1998, les spéléologues, soucieux de préserver leur droit, avaient déposé la marque « grotte Chauvet ». Le nom leur appartient et, de fait se révèle l’essentiel enjeu autant que  la monnaie d’échange qui lient indéfectiblement les deux parties ! Et l’Etat avec les collectivités locales sont bien conscients qu’il leur faudra à terme et impérativement, en vue de leur projet de construction d’une réplique, s’assurer de la maitrise de ce nom.     
Alors en 2000, ils cèdent et propose un accord aux trois compères : Ils seront indemnisés à hauteur de 3 millions de francs (457 000 €) et le terme  « Grotte Chauvet » officiellement reconnu. Fin de l’histoire ? Oh que non, pas encore…
Le temps passe… La réalisation de ce projet pour de nombreuses raisons plus rocambolesques les unes que les autres et qui mériteraient une autre chronique (procès avec les propriétaires du terrain au-dessus de la grotte, conflit sur le premier choix de l’emplacement, aberration des premières moutures et, finalement,… strict rejet  par le préfet !) va prendre un retard considérable… 
Or, en 2008, les « découvreurs » oublient de renouveler leurs droits et, opportuniste (qui peut en douter ?) , le syndicat mixte chargé de la construction de la réplique s’en empare !!!  Et revoilà tout le monde devant la justice… qui donne de nouveau raison à Jean-Marie Chauvet et ses deux amis…, mais va entrainer la rupture du contrat.
Car s’en est trop, tant pis pour le nom « Grotte Chauvet » …
« A ce moment-là, nous avons décidé de ne pas faire appel, explique Pascal Terrasse, président du syndicat mixte qui gère la réplique. Mais les découvreurs demandaient des sommes assez folles pour que nous puissions donner le nom « Chauvet » à la réplique. Alors, on a décidé de faire autrement ».
Résultat, le site, qui ouvrira aux visiteurs en 2015, s’appellera «Caverne du Pont d’Arc» et voilà les compères à nouveau le bec dans l’eau pour de nombreuses années…

« Relations pacifiées » disent-ils !?
Donc 10 ans plus tard, le conflit se serait donc «peu à peu apaisé », grâce à  la « médiation » de la société Kléber Rossillon. Quel serait donc leur subit intérêt à accepter de débourser une somme relativement importante (50 000€) agrémenté d’une rétrocession de 1,7 % sur chaque billet d’entrée (1), concession jusque-là combattue avec la plus grande détermination !?
En réalité, c’est bien le piètre bilan financier de la saison 2018 qui vient de soudainement modifier la donne. La gestion purement comptable opérée en 2015 et 2016, par le prestataire  précité,  uniquement axée sur le nombre de visiteurs a « enfourner » jour après jour dans l’espace de restitution, au mépris bien évidemment de la qualité et du confort de la visite (cf. dernier chapitre) a fini par « porter ses fruits ». Il est possible de le résumer ainsi : En deux ans, les responsables de cette délégation de service public (il faut le souligner !) ont « siphonné » le public attiré par la nouveauté et l’effet d’annonce médiatique tout en rebutant ceux, moins nombreux mais bien plus durable, réellement intéressés par l’art pariétal, l’archéologie, l’anthropologie, etc., etc. Par ailleurs le choix délibéré et d’une stupidité sans pareille des élus locaux (2) de promouvoir depuis des années un tourisme de masse autour (et dans) les Gorges de l’Ardèche n’est évidemment pas de nature à favoriser l’intérêt pour un site culturel de haut niveau si ce n’est qu’en tant que lieu ponctuel de distraction. Le tout combiné à une mauvaise conjoncture estivale (mondial de foot, canicule, incertitude politique et sociale, etc.) a grandement rafraichi la communication triomphante des années antérieures sur le « remarquable succès » de ce « haut lieu culturel ».
La nécessité de relancer la machine médiatique est donc devenue cruciale et pour ce faire, finalement quoi de mieux que de réattribuer au facsimilé le nom originel de la grotte !? Et ils le disent eux-mêmes sans détour :
« Un changement qui vise bien sûr à mieux promouvoir, notamment à l’international, cette réplique auprès du grand public… qui lui n’a jamais cessé de l’appeler grotte Chauvet. »
Au passage on ne manquera pas d’admirer la formulation, un modèle d’hypocrisie communicante…
« Il y a un an, nous avons commencé à travailler avec eux. En échange de prestations sur le site, des visites guidées, des conférences, nous leur avons proposé de toucher 1,7 % sur chaque billet d’entrée. Je crois qu’ils sont très heureux de pouvoir contribuer à montrer leur découverte », estime sa directrice, Geneviève Rossillon » (Sic !).

Voilà donc ce qu’il nous semble important de dire concernant le présent et sa belle « nouveauté »…
Vous pourrez également lire ci-dessous (pour ceux qui ne sont pas encore lassés de ce brouet peu appétissant) nos toutes premières indignations à l’issue du premier été d’ouverture au public. Nous n’étions bien sûr pas, à l’époque, informés sur tous les dessous de ce sombre feuilleton

Le 28 avril 2019

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Automne 2015...
Ce tout premier acte de « résistance » fit suite à un mail envoyé début octobre 2015 par le service de communication de la Caverne du Pont d’Arc à tous les « acteurs touristiques » de la région et intitulé « Prolonger notre succès » que nous avons ressenti comme une clownesque provocation et  dont voici copie :

Et notre réponse (à noter que ce directeur fut débarqué quelques semaines plus tard...):

Lettre ouverte à Mr Deudon (gestionnaire du facsimilé de la Grotte Chauvet dit  « La Caverne du Pont d’arc ») mandaté par  la société Kléber Rossillon et, accessoirement, aux élus qui sont à l’origine de cette « Délégation de service public ».

Il n’étonnera personne que nous n’ayons reçu aucune réponse officielle… Par contre de nombreux messages de soutien et d’encouragement nous ont bien été adressés !

Le 28 octobre 2015


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Première mise à jour printemps 2018
Deux ans plus tard est-il nécessaire de rectifier ou de modérer le propos ?
Si l’on s’en tient à la surface des choses il est indéniable que quelques améliorations ont vu le jour et que le visiteur semble sensiblement mieux considéré…Je dis « semble » car, à y regarder de plus près, rien sur le fond n’a vraiment changé. L’ « évolution » la plus visible réside dans la distribution de casques audio qui, il est vrai, permettent à tout un chacun d’entendre distinctement les commentaires du guide, jusque-là  essentiellement réservés aux visiteurs assez proches de lui pour ne pas être parasités par ceux des guides des groupes suivants ou précédents. Mais peut-on sincèrement percevoir ce type d’optimisation du « confort auditif » comme le signe d’une modification réelle de la stratégie commerciale à l’œuvre ? Ne peut-on y voir, bien au contraire, un « aménagement » indispensable, à même de la faire mieux tolérer en réponse aux innombrables plaintes et avis défavorables entachant sérieusement la réputation du lieu ? Et ceci sans réduire d’un iota la fréquence d’enfournement  des groupes ni bien entendu le nombre d’individus les composant… Il est même, à postériori, surprenant qu’ils n’y aient pas songé plus tôt car c’est une solution bien connue et fort utilisée dans l’industrie culturelle de masse…
Le second ajustement concerne les critères de recrutement des guides… Jusque-là, seule la maitrise de plusieurs langues était primordiale voire souvent suffisante pour être embauché. Ceci dit vu les conditions de travail imposées (le nombre impressionnant d’arrêts de maladie et les trois procès intentés aux prud’hommes en attestent…(3)il était certainement préférable d’employer des personnes moins enclines à se rebeller…
Mais, pour Me Christophe Jollivet, du barreau de Périgueux, conseil du délégataire (la société Kléber Rossillon), ces « perturbations managériales » du début sont à oublier puisque selon lui « la Caverne n’a eu de cesse d’améliorer les conditions de travail depuis l’ouverture du site »… Dont acte ! Et tant mieux n’est-ce pas …!? Même si, là également, il n’est pas interdit de s’interroger sur la sincérité de tels propos prononcés dans un tribunal réuni pour juger justement de graves manquements aux droits des travailleurs. D’ailleurs cette déclaration sonne plus comme un aveu qu’une réelle disculpation puisque s’il fallait les améliorer c’est bien que ces conditions de travail n’étaient pas aux normes, à moins bien sûr que la société Kléber Rossillon n’ait, jusqu’à présent,  modestement dissimulé une vocation philanthropique … !? 
Alors oui, s’il est possible d’évoquer une amélioration sensible des conditions de visite on ne peut que constater que la « stratégie gestionnaire », elle, n’a pas varié d’un iota. En février 2017 le gérant annonçait avoir atteint le million de visiteurs (en moins de deux ans !) au-delà même de  ses propres pronostics… Le nombre d’entrées reste donc bien le principal objectif et la société Kléber Rossillon en est bien toujours la première bénéficiaire. C’est dans le modèle de délégation de service public à des organismes privés et l’évidente  contradiction dans les termes qui la fonde que réside la source du problème. La rentabilité et le bien commun sont par essence antithétiques et irréconciliables.
Qui oserait affirmer que l’incontestable dégradation systématique des services dits publics  n’est pas directement imputable aux modèles entrepreneurial et managérial qui de nos jours y règnent en maître ? Alors comment ne pourrait-il pas en être  de même pour la culture ?
A l’aube de ce printemps 2018 de nombreuses résistances individuelles et collectives émergent et s’affichent dans tous les secteurs en charge du bien commun. Nous en sommes heureux et solidaires !

Le 22 mars 2018

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(1) Pour fixer les idées sur la base de 500 000 entrées (la jauge annuelle du début d’exploitation) cela représente quand même la coquette somme de 127 500 € à partager en trois… Ils pourront, en sus, participer sur le site à des actions de médiation culturelle ce qui leur permettra tranquillement de peaufiner leur légende.

(2) La plupart sont loueurs de camping, de gîtes et bien sûr de canoés ou/et autres acteurs économiques dépendant du tourisme et donc n’ont comme seul horizon que le seuil de fréquentation des lieux en moyenne et haute saison…

(3) « Les conditions de travail à l’ouverture de la Caverne devant le conseil de Prud’hommes » publié sur le Dauphiné.com le 24/11/2016

 

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