L'individu, ou l’indépendance mythifiée.

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On peut supposer que la femme et l’homme préhistorique furent régis d’abord par un instinct grégaire dont dépendait leur survie qui les soumettait sans conditions aux règles sociales du groupe auquel ils appartenaient. Le sujet isolé, condamné à court terme, ne pouvait faire modèle. C’est donc dans la production collective du bien commun (le feu et sa préservation, la chasse et la cueillette, l’aménagement des abris, la protection des enfants, etc.) qu’il a dû trouver son rôle et son bien être. Rien ne prouve l’appropriation d’objets personnels ni la présence de couples constitués. Certains penseurs (les théories de Lewis Henry Morgan reprisent par Friedrich Engels : « Les Origines de la famille, de la propriété privée et de l'État ») tendent à établir que nous sommes alors en présence de sociétés matriarcales qui s’apparentent à une forme de communisme primitif non guerrier. S’il est actuellement impossible d’en démontrer scientifiquement la réalité, la déduction et l’étude du contexte et des déterminants connus la rendent probable et plausible. Mais il est également vraisemblable que si cette longue parenthèse historique a eu lieu elle a certainement permis l’affirmation des personnalités et ainsi l’apparition des rivalités.
Mais nous touchons ici à un problème (la naissance de l’individu ?) sans réponse rationnelle car l’étude de l’homme avant l’écriture est plus de l’ordre de la conjecture ou de la présomption que de la connaissance scientifique. Et, comme l’apparition de symboles gravés semble se situer entre 4000 et 2500 ans avant notre ère, que représentent donc nos 6000ans d’histoire au regard de la période qui nous sépare des premiers hominidés (6 à 7 M d’années). Prétendre aborder l’évolution de l’ « individuation » sur une telle période sans autre matériel que quelques bouts d’os relève de l’imposture plus que de la paléontologie. D’autre part l’anthropocentrisme (adossé au postulat de notre supériorité) qui sous tend la plupart des théories ethnologiques leur enlève toute crédibilité. Chercher à savoir qui nous sommes et comment nous le sommes devenus présuppose l’acceptation de notre animalité (passée et présente) et non pas de chercher à quel moment nous nous en sommes extraits.
L’individu, nouveau concept valise, se distingue pourtant de ceux déjà rencontrés, par la profusion et la richesse des sens qu’il recouvre. Etymologiquement c’est un emprunt au latin classique individuum qui traduit le grec atomos « atome » littéralement « ce que l’on ne peut couper » puis en latin médiéval « ce qui est indivisible ». Il s’emploie d’abord au sens large pour« être formant une unité distincte » par opposition à genre et espèce puis par Rabelais il acquiert le début du sens moderne « sa propre personne ». Il désigne à partir XVIIème siècle un membre de l’espèce humaine et en biologie prend le sens de « corps organisé vivant une existence propre et qui ne saurait être divisé sans être détruit.». Il est a noter que c’est avec Rousseau qu’il va acquérir le sens usuel de « membre de collectivité humaine » et il sera même employé sous la révolution d’une manière péjorative comme « personne quelconque »! (Robespierre 1791« L’individu royal »).
Aujourd’hui l’idée d’individu est devenue l’épicentre du modernisme. En effet lorsque l’on observe les acceptions du terme dans les différents domaines ou disciplines où il est utilisé, on constate qu’il y tient une place essentielle et prépondérante.
- D’abord en philosophie il est l’expression de l’être au sens ontologique (l'étude de l'être en tant qu'être), et prend toute son ampleur sociologique avec l’Existentialisme de Sartre et Camus qui engendre et légitime l’époque de la prédominance du soi. La psychanalyse, tout particulièrement avec Freud, théorie narcissique s’il en fût, atteste de la possibilité pour chacun d’entre nous de scruter son moi intime, siège de notre « inconscient » et permet ainsi d’installer notre individualité au coeur de ce qui nous est, paradoxalement, inaccessible de nous même.
- La sociologie moderne va consacrer la notion d’individualité en tant qu’entité sociale spatio-temporellement repérable, l’acteur social élémentaire en quelque sorte…Il est également la brique fondamentale des sciences statistiques en tant que constituant premier des ensembles à l’étude.
- Enfin le droit de vote « individuel » lui confère son ultime dimension politique étayée par la législation du droit des personnes, élément central (bien qu’en permanence allégrement bafoué) des institutions juridiques, nationales et internationales.
Ce survol, bien trop rapide et loin d’être exhaustif, permet cependant de prendre la mesure de l’importance du concept dans la notre réalité contemporaine.
A ce stade deux remarques :
- C’est à l’origine une coquille vide, l’idée générale d’une entité sans attribut particulier mais qui ne peut être réduite sans attenter à son intégrité. Ce peut être aussi bien un rat qu’une personne et cette signification originelle demeure malgré son humanisation récente.
- Cette perception spontanée et positive de nous même comme individus, aussi évidente nous soit-elle, ne correspond en réalité qu’à une définition très récente de ce terme que nous avons investi de tout ce que nous sommes et/ou pensons être.
Ce n’est qu’après la révolution, et l’avènement d’une bourgeoisie triomphante qu’il acquiert un statut revendiqué, non subi et est associé progressivement à celui de citoyen. En même temps qu’il devient progressivement une manière de s’auto désigner comme être spécifique il garde encore des connotations forts péjoratives ; il peut servir par exemple à désigner, assez paradoxalement, un ensemble de personnes semblables et indistinctes (une foule d’individus) et se trouve facilement accolé d’adjectifs insultants (triste, sale, malhonnête, suspect, etc.)
Comme nous regardons toujours le passé avec les instruments intellectuels du présent cela nous interdit une approche objective de la réalité antérieure ; il est ainsi particulièrement difficile (peut être impossible) de s’extraire de notre ressenti comme individu et de ne pas le projeter sur les entités humaines qui nous ont précédés. Par exemple, durant l'époque féodale en Europe, les gens se considéraient comme étant des « sujets » (assujettis) et non comme étant des individus. Aussi, ils s'exprimaient davantage à la première personne du pluriel (« nous ») qu'à la première personne de singulier (« je »). C‘est une réalité quasi impossible à illustrer dans un film ou même un roman car nous, éléments centraux des sociétés occidentales ou occidentalisées, avons totalement perdu cette conscience de soi là et éprouvons de grandes difficultés à nous y identifier. Aujourd’hui seuls l’extrémisme religieux et/ou sectaire et l’institution militaire semblent être encore capables d’obtenir de tels « oublis de soi », en endoctrinant des fidèles jusqu’à en faire des bombes humaines ou en élevant l’obéissance aveugle aux ordres au rang de valeur suprême. Pourtant la distance qui nous sépare de ces comportements ultimes n’est peut être pas aussi immense que nous le croyons. Nous baignons dans une telle célébration de l’individualisme que la majorité d’entre nous est incapable de percevoir la moindre faille entre l’expérience de soi et sa réalité sociologique. Ce qui peut se traduire pour eux par : « Je suis ce que je pense et ressens de moi-même » alors qu’en fait « je ne suis que ce que mes déterminismes (archaïques et culturels) et mon environnement social tendent à me faire penser de moi ». Est ce que cela, en définitif, nous distingue vraiment de celui qui se fait exploser en croyant au « paradis des vierges » puisque cet assujettissement inconscient semble inéluctablement nous conduire également à un suicide collectif ? Cette instrumentalisation de la perception de nous même est l’ultime oppression du système économique et politique néolibéral sur nos consciences.
Notre sentiment d’être (ou de pouvoir devenir) un individu autonome et acteur essentiel de notre vie, est constamment corroboré et conforté par un environnement culturel unidimensionnel que l’on peut nommer "néolibéral":
- D’évidence, en premier lieu, comme sujet du « marketing » essentiellement adossé aux thématiques de la réalisation de soi, de l’indépendance, du temps gagné pour soi, etc. avec cette subtile manoeuvre qui consiste à vous laisser croire que le produit vanté vous est spécifiquement destiné. Vous êtes libre d’acheter et acheter vous rend libre ! Aussi couillon que « travailler plus pour gagner plus ! » Et pourtant cela marche ! Etonnant, non ? L’apparition du « neuromarketing » 1au début des années 2000 et son expansion actuelle ne laissent plus aucun doute (si l’on en avait encore…) sur la volonté frénétique et sans éthique d’un univers auto centré sur la marchandisation généralisée.
- Mais surtout asservis à la « spectacularisation » de tout ce qui constitue nos existences, comme miroir magique inversé, de notre affligeante banalité et de la dramatique stupidité des événements à relater :
- Gavés que nous sommes d’une « information » télévisuelle et radiophonique qui exalte systématiquement la personnalisation de l’histoire et en nivelle le compte rendu sans aucune distinction hiérarchique. Du plus petit « fait divers » à la pire catastrophe, de la « petite phrase » indigente aux bouleversements politiques majeurs, tout nous est raconté comme résultant d’actions plus ou moins morales ou glorieuses mais toujours individualisées et toujours empaquetées du pathos de circonstance ( le bourreau comme la victime devient une sorte de héros qui vivra dans nos mémoires…). Pas étonnant que certains d’entre nous choisissent le crime pour accéder à la célébrité !
- Soumis à l’individualisation de l’action sociale (politique, économique et culturelle) et la disparition organisée du « nous », de la solidarité, de l’action commune dont pourtant l’on commémore, tout en les ringardisant, les grands épisodes passés (de la Révolution de 1789 à la commune de Paris et à « mai 68 », de l'expérience autogestionnaire espagnole de 1936 à celle de LIP à Besançon en 1973…). Nous sommes à l’ère de l’être providentiel, charismatique et puissant, capable avec ses petites mains et son petit cerveau de changer le monde et de le façonner à notre (sa) convenance et qui nous sert de modèle dominant.
- Enfin par la présomptueuse arrogance technologique qui nous prolonge et nous amplifie avec d’extraordinaires prothèses mais nous isole en nous « connectant » à l’ensemble de la planète. Loin de moi tout repli passéiste mais un outil doit demeurer un outil et non une fin en soi et il est peu probable que l’utilisation effrénée et addictive des « multi medias » avec le monde comme terrain de jeu soit, en soi, un facteur décisif de progrès social. L’avenir illusoire est supposé appartenir à l’individu affranchi de toutes ses contingences, même biologiques puisque l’on nous promet, pour demain, un corps bionique, éternellement jeune et beau et reproductible par clonage …, non pardon, on me dit que c’est déjà là !
Pourtant la réalité est fort différente lorsque l’on découvre le côté obscur de cette « imagerie libertaire » (tendant à faire de nous des attardés mentaux) en scrutant les rapports qu’entretient l’état avec l’individu citoyen. Il s’agit alors bien plus d’identifier (jusqu’à l’os) pour surveiller et punir que d’affranchir et d’émanciper. Ici, l'individualisation se transmute en capacité administrative à (bientôt) nous repérer, nous suivre à la trace (grâce essentiellement à l’informatique et à la génétique) et à sanctionner le moindre écart dans la totalité de nos actes quotidiens (cartes d’identité, bancaires, de santé, démarches administratives informatisées, GPS, internet, etc.).
Et, c’est un comble, cette réduction progressive de notre champ de liberté et de nos droits s’installe sans heurt au nom du respect d’autrui et surtout de notre sécurité. C’est le fameux «syndrome de la grenouille» 2. L’individu est roi mais il est cuit !
En quoi l’état doit-il être responsable de notre protection ? En fait ce n’est que par la nécessité permanente où il se trouve de pérenniser et de renforcer son pouvoir symbolique, qu’il nous la promet, en échange de notre soumission à son autorité. Mais en vérité il ne le fait pas ! En dépit des lois, règlements et autres contraintes vaccinatrices sans cesse renouvelés, nous continuons à endurer stupidement de ce dont il prétend nous protéger, à subir des agressions et supporter des injustices (de la part de l’état lui-même), à être à la merci d’un système économique aberrant, d’une justice et d’une police de moins en moins compréhensives mais de plus en plus répressives, de politiciens incompétents et souvent suspects de corruption, etc. etc.
Le « danger », permanente épée de Damoclès menaçant nos vies, médiatisé à outrance et instrumentalisé crûment, sans aucun état d’âme, par nos dirigeants nous immobilise et nous enferme dans nos terreurs ontologiques. En fait gouverner consiste à l’entretenir (voire à le créer) pour ensuite s’en prétendre le rempart. Après la chute du communisme entrainant la fin de la « guerre froide » et celle de la menace de l’anéantissement nucléaire, l’intégrisme terroriste (de préférence religieux) est devenu, à point nommé, le nouveau péril international capable de scinder dogmatiquement le monde en deux camps antagonistes. Les tenants de la soit disant « guerre anti-terroriste » qui en résulte (« la croisade du bien contre le mal » du « regretté » Georges W Bush), hormis son incontestable impact fédérateur du monde occidental, ont quelques difficultés à en revendiquer le succès au regard de l’histoire récente et du compte rendu quotidien du crétinisme suicidaire explosif ! Cette sûreté que l’Etat nous promet n’est en réalité qu’un leurre alors que son seul objectif est de nous contraindre à ses lois. En l’occurrence, pour les Etats Unis et l’ensemble des pays Européens, cette « guerre » en a justifié le durcissement et surtout permis la création d’une nouvelle législation « anti-terroriste » 3 J’y reviendrai sûrement…
De plus la propre genèse de l’Etat n’est-elle pas directement consécutive à nos peurs endémiques (la mort, la souffrance, la perte de ce que nous croyons posséder, etc.) et aux leviers de manipulation qu’elles offrent à ceux qui veulent le pouvoir. Depuis des millénaires! Peut être le temps est-il venu de s’affranchir de cet assujettissement et, pour ce faire, de prendre conscience du fait que nous en sommes les principaux responsables car l’Etat n’est, in fine, qu’une construction humaine qui tire son pouvoir de notre assentiment ...
D’ailleurs le mot sujet n’est-il pas à double sens ? C’est à la fois celui qui agit et celui qui est agi. Le sujet historique (révolutionnaire) et le sujet de sa Majesté se superposent sémantiquement et cette problématique dualité non tranchée nous laisse démunis. Alors promouvoir l’ « individu » en citoyen « singulier » me semble la seule issue, l’unique insurrection porteuse d’espoir, celle qui nous verra reprendre le contrôle de nos destinés en affirmant nos singularités solidaires dans tous les champs de notre quotidienneté. Nous sommes tous uniques et particuliers mais n’avons en définitive de réelles existences qu’associés aux autres.
Nous pourrions, par exemple, nous réapproprier les « services publics », qui n’ont plus de public que le nom, qui font de nous un objet au service de la « rentabilité » de leur fonctionnement et qui, pourtant par essence, sont notre bien commun et dont nous sommes devenus les « clients » (Il n’y a plus aucune différence entre le guichet d’une banque ou celui de La Poste,… qui est d’ailleurs aussi une banque !). Il est pourtant théoriquement évident que la notion de public est antinomique avec celle de privé et que prétendre améliorer la première en la livrant à la seconde est une pure foutaise. Que les gouvernements y parviennent démontre simplement à quel point nous sommes aveuglés, impuissants et soumis. Alors inventons une nouvelle administration « publique », qui respecte les devoirs de sa fonction au lieu de nous plier à ses objectifs pervertis ! Serait-ce utopique si nous vivions en démocratie ?
C’est pourtant bien ce que prétend le monde politique qui nous parle les yeux dans les yeux, de personne à personne, en nous faisant croire que notre vote est essentiel et sera, en tant que tel, respecté et entendu. Alors revendiquons le droit d’avoir un avis sur tout et réalisons que ces gens qui prétendent aux fonctions gouvernementales n’ont aucune spécificité légitime qui les distingue de nous si ce n’est le pouvoir que, seuls, nous leur attribuons. Pour certains, leur accession aux « postes suprêmes » relève même d’une extraordinaire bouffonnerie. Quels sont donc les qualités humaines et les compétences exceptionnelles qui caractérisent Bush, Berlusconi ou Sarkozy ? En tirant au sort dans l’ensemble de la population il eut été probable d’obtenir, en terme d’intelligence, d’honnêteté et de dévouement au service de la charge, un bien meilleur résultat. Alors pourquoi continuons-nous à croire que l’une ou l’un d’entre nous (surtout l’un d’ailleurs), désigné par une mascarade démocratique, puissent nous guider mieux que nous pourrions le faire nous même ? Ce « culte » de la personnalité est d’évidence une rémanence mystique, religieuse et philosophique, elle-même issue de notre préhistoire mythique, dont nous sommes, la plupart du temps à notre insu, pétris.
Notre inconcevable présence dans cet univers et notre progressive conscience de son inintelligibilité a généré un besoin de réponses sécurisantes et simples pour résister et ne pas sombrer dans la folie. Issus du néant il a fallu nous inventer une origine et une lignée; avec l’avènement du langage, puis de l’écriture, la création des mythes fondateurs en est certainement la première expression socialisée. Ont suivi les divinités, construites à notre image et puis la figure suprême, notre double déifié (enfin celui de l’homme puisque issu de sociétés patriarcales) à qui nous avons attribué tout les pouvoirs qui nous manquaient. Il est bien plus confortable de croire qu’une entité, qui nous ressemble, tient notre destiné entre ses mains et nous accueillera après notre mort, que de s’affronter à notre incapacité endémique à nous comprendre, ravivée à chaque instant par l’insondable et sidérante beauté de ce que nos sens nous permettent d’appréhender. Qui s’est déjà couché sur le dos la nuit face à un ciel d’été étoilé ne saura me démentir… ! Et en même temps que les dieux, sur terre nous avons inventés (ou bien se sont-ils inventés eux même ?), des sortes d’intermédiaires : Les chefs religieux (dont je vous épargnerai l’interminable liste; mais pour ceux que ca intéresse elle est ici : source-wikipedia, et puis les chefs séculiers (des pharaons aux empereurs, des seigneurs aux rois, des tyrans de gauche à ceux de droite, j’en passe bien sûr, sans oublier pourtant, tout dernièrement, les présidents de la République…). De quelle « nature » est cet intellectuel aveuglement qui nous permet d’associer la désignation par la population d’un chef (en l’occurrence d’Etat) à une action démocratique ? L’universalité d’un vote ne lui apporte que la légitimité de façade qui masque la réalité de ses prérogatives et consacre son statut d’intouchable potentat. Seule est limitée la durée de son règne (enfin, pas toujours, cf. Russie, Etats africains, etc.)!
Parallèlement, et à l’origine la frontière sémantique est très mince, notre espèce s’est également imaginée des « héros ». Le terme est un emprunt au latin classique heros « demi dieu », «homme de grande valeur», issu du grec hêros « chef » désignant les chefs militaires de la Guerre de Troie comme Ulysse ou Agamemnon, puis avec une signification religieuse, « homme élevé au rang de demi dieu ». La désacralisation progressive du titre par la glorification des exploits militaires, voire civils, n’atténue en rien l’idée d’ « homme (très, très, rarement de femme) au dessus du commun, hors norme » et d’ailleurs se perpétue insidieusement par son emploi au sens de « personnage principal d’une oeuvre littéraire » ; aujourd’hui il sert à qualifier n’importe quel quidam pour n’importe quelle action qui le différencie un tant soi peu de ses congénères moutonniers.
Etre ou devenir un héros, tout en préservant paradoxalement son caractère exceptionnel, est devenu accessible à tout un chacun, et peut même représenter un objectif de vie (héros d’un jour, héros toujours ! Pourquoi pas d’une minute ?). Le « marketing », fer de lance des stratégies productivistes et commerciales néolibérales, a depuis longtemps instrumentalisé cette déviance conceptuelle et y a même activement contribué. Le déferlement de la « peopolisation » dans tous les champs de l’activité humaine via les journaux mais surtout la TV et Internet a pris des proportions hallucinantes. Plus les gens « célébrés » sont communs et vulgaires, plus ils sont censés permettre une meilleure identification. Car cet auto-voyeurisme affligeant de notre propre imbécilité crée une étrange fascination et je suis persuadé que nombreux sont ceux qui prétendent le pratiquer avec distance croyant ainsi s’en démarquer.
On pourrait pourtant penser et peut être même se réjouir de cette apparente « démocratisation » du héros alors qu'à bien y regarder, cette enflure orchestrée du moi et son obscène exhibition porte en germe l’essence même du totalitarisme. Cette mutation comportementale suscite et /ou renforce nos tendances narcissiques et égocentriques, et exalte le culte de la personnalité aux indéniables relents fascistes; faire de chacun d’entre nous un surhomme, un chef potentiel, même ridicules, est inconciliable avec l’égalitarisme démocratique. Il est d’ailleurs étonnant et paradoxal de constater qu’au lieu de permettre à chacun d’affirmer son unicité cette médiatisation de masse nivelle, in fine, toutes les singularités, traitant indifféremment et sur
le même registre journalistique, un chanteur, un intellectuel, un joueur de football, un acteur politique, ou même, pourquoi pas, mon voisin…Les « plateaux-débat », fleurons des prétentions démocratiques télévisuelles, en offrent un aperçu remarquable, à la fois pathétique et captivant. Chaque intervenant y étant appelé à tenir son rôle, codé et préétabli, par le «meneur de jeu» dans une mascarade de controverse en définitive sans autre enjeu que de désigner le « meilleur client » générateur d’audience. Le débat d’idée ne peut être un spectacle et l’échange intellectuel ne peut se réduire à une compétition d’argument. Filmer de la pensée en action est certainement possible mais hors studio, avec des caméras invisibles et sans public de décor, relai visuel de notre propre présence derrière l’écran. Cette humiliation publique du public est hallucinante, utilisé qu’il est comme potiche de fond d’écran et pourtant s’y presse pour faire partie du cadre et être ainsi visible médiatiquement, même un instant !
L’on perçoit bien là toute la perversité de ce système d’aliénation qui permet à une personne de se distinguer visuellement tout en étant « massifié » et privé de toute singularité. C’est d’ailleurs ainsi que les pouvoirs dominants construisent artificiellement et légitiment l’idée d’une opinion publique représentative de la volonté démocratique d’une population4. En demandant à quelques centaines de personnes de répondre individuellement à un questionnaire (ce qui n’a déjà rien à voir avec le fait d’exprimer véritablement une opinion et qui ignore l’avis de ceux qui refusent de le faire…) la « science statistique » prétend rendre compte d’un avis majoritaire donc significatif, en extrapolant (massifiant) ces réponses personnalisées à l’ensemble d’une population. Comme le public qui assiste muet aux palabres de ceux qui savent et qui comptent nous sommes ensuite conviés à nous fondre dans la foule des non consultés, anesthésiés par le fait indéniable que certains d’entre nous l’ont été pour nous, que le « sceau » scientifique a validé les résultats et que le principe majoritaire est le garant de nos libertés. A qui veut bien réfléchir un instant, l’exactitude relative des « sondages » d’opinion démontre à contrario son ineptie fondamentale ainsi que celle des votes qu’ils anticipent ; car ce n’est qu’en réduisant un avis personnel à une réponse préformatée et en l’extrapolant via sa « boite à outils » sociologique à l’ensemble de la population que le sondeur évalue la pensée commune sous forme de pourcentages, et prétend ainsi rendre compte d’une complexité infinie qu’en fait, pour ce faire, il, tout simplement, nie !5
Et l’on peut extrapoler cette analyse à l’ensemble de notre fonctionnement social et mettre ainsi à jour cette doxa contemporaine qui nous crée sujet actif et consentant de notre propre aliénation. L’individualisme, fondement de la pensée libérale, légitimation idéologique du capitalisme moderne et synonyme pernicieux de liberté et d’autonomie, se révèle être, de plus, le fantastique agent subliminal de l’expansion du totalitarisme marchand. La « liberté individuelle » n’est qu’un leurre, un mirage auto projeté, qui autorise une massification des comportements en leur donnant l’apparence de choix conscients.
Nous avons aliéné, depuis le début de l’histoire humaine, notre liberté au sentiment de sécurité que procure la possession de ce qui nous est utile pour vivre et nous sommes aujourd’hui en passe d’y sacrifier notre propre avenir. Toujours esclaves, à notre insu, de nos pulsions archaïques de survie (cerveau reptilien / boire, manger, copuler, ce que l’on peut résumer par «consommer») nous sommes également soumis à deux émotions primordiales: Le plaisir et/ou la douleur.
La première enclenche un besoin immédiat de renouvellement et génère l’ensemble de nos comportements addictifs alors que la seconde nous laisse face à un éventail de trois réactions fort différentes : Fuir, se figer ou lutter. Reconsidérer nos organisations sociales à la lumière de ces postulats en change radicalement notre perception et devrait nous rendre plus modeste quant à nos prétentions à l’autonomie. Il va de soi que cet apparent simplisme ne peut rendre compte, à lui seul, de la complexité des rapports sociaux et qu’il est indispensable d’y ajouter la couche de déterminismes culturels dont nous sommes pétris. Il est cependant assez facile d’en repérer l’ascendant dans la majorité de nos actes sociaux, et en particulier lorsqu’ils sont d’ordre conflictuels 6.
Et c’est bien sûr aussi, cette connaissance fondamentale dérivée en utilisation manipulatrice, qui étaye et viabilise la volonté hégémonique du capitalisme néolibéral. Sans son irrépressible pulsion à atteindre la satisfaction, « l’individu » du XXIème siècle serait certainement plus réfractaire à tous les mensonges dont il est en permanence abreuvé et la « consommation » moderne, appel d’air du « réacteur » productiviste, n’est en fait que l’extension sublimée de cet instinct de survie originel.
Bien évidemment nous voilà passé, au moins en apparence, du besoin au désir, de l’avidité vorace à l’inclination maitrisée, de la gloutonnerie aux mets raffinés et du viol à l’érotisme. (N’est ce pas Mister DSK ?). Mais l’intensité mobilisatrice générée par l’insatisfaction semble toujours aussi intense qu’aux premiers jours de l’humanité. Par contre la découverte de l’insatiabilité est d’évidence bien plus récente. Et je pense, sans prendre de grand risque, que la prolifération de l’offre consumériste par le biais de centres-villes uniquement dédiés au commerce et de lieux de ventes hypertrophiés, par l’immersion constante dans un cadre de vie sursaturé d’actes marchands conduit paradoxalement mais inéluctablement à une profonde altération du sentiment de satiété. Rien de ce que cet univers économique nous propose ne peut nous combler; ce n’est d’ailleurs pas son objectif et il suffit d’y penser un instant pour le comprendre aisément. La nécessité de la « croissance » sans fin, leitmotiv partagé de notre ébouriffante « classe dirigeante », implique un renouvellement constant de l’ « offre » pour « stimuler » la demande (ce qui est simple avec la société marchande c’est son décryptage sémantique!) et interdit donc toute jouissance durable. Le « système » doit sans cesse produire du nouveau, tout en dépréciant l’ancien. Il a donc « inventé » le magique tandem modernité / obsolescence pour promouvoir et produire les marchandises: Celles que nous devons avoir pour être à la mode et, si l’appât n’est pas suffisant, leur détérioration programmée (la durée de fonctionnement limitée de toute la sublime technologie qui nous est indispensable; certaines pièces informatiques sont paramétrées à l’usine pour tomber en panne au terme d’un temps précis d’utilisation….). Et cette duplicité est en passe de devenir une norme alors que parallèlement l’on ose nous parler de « développement durable »… !
Au terme de cette analyse je ne voudrais pas oublier d’évoquer le besoin de reconnaissance dont nous, individus, sommes tous pétris et qui est une part non négligeable de notre quête obsessionnelle de satisfaction. Il est étonnamment connexe à notre revendication d’autonomie qui, a priori, implique plutôt un désintérêt pour l’opinion d’autrui. J’y vois l’ultime contradiction qui dissipe définitivement l’illusion d’un individu émancipé et souverain de sa propre vie. Il existe en nous une force irrépressible qui nous fait rechercher la gratification d’un compliment, un regard admiratif, les applaudissements du public, etc. (…dans quelle mesure ne suis-je pas moi-même en train de m’y soumettre en publiant ces textes ?)
La première et fondamentale reconnaissance, celle qui nous libère et nous lie dans un même élan, c’est celle de nos parents, de notre mère certainement d’abord puis celle du père, de la fratrie si elle existe et enfin du « social », l’extérieur de notre cocon familial qu’il nous faut affronter et qui nous aspire. C’est un extraordinaire processus de dissociation, subi et voulu à la fois, espéré et redouté, revendiqué et imposé ; un maelstrom d’émotions contradictoires ! La psychologie croit y repérer des étapes, plus ou moins fiables et vérifiables, comme le sevrage, la socialisation par l’école, la puberté, une sorte de chemin balisé par l’affection parentale, relayé par les institutions éducatives susceptibles à terme, de produire cet individu rêvé, enfin « adulte » ! Mot surprenant, emprunté au latin adultus, participe passé d’adolescere qui désigne d’abord un adolescent notamment dans adulta virgo « jeune fille nubile » ! Il ne prend son sens actuel qu’à la fin du XVIIème siècle et surtout comme adjectif ; le substantif, selon Furetière (1690), n’avait guère d’usage qu’en théologie. Il n’entre enfin dans la langue courante qu’au début du XIXème mais peut encore désigner l’adolescent en opposition à l’homme mûr (1839 Balzac). La notion d’adulte va se renforcer et prendre véritablement tout son sens actuel avec l’apparition des concepts institutionnels de « majorité civile» et « majorité sexuelle » 7. Cette supériorité, juridiquement affirmée, vis-à-vis de l’enfance (les mineurs) valide, pour l’individu adulte, le sentiment d’être devenu « une personne accomplie ». Hors, l’étymologie le démontre et la réalité le corrobore, il est bien manifeste que nous sommes très loin de cette limpidité structurelle, et que la frontière, si elle existe, qui instaure un être humain « sorti » de l’enfance demeure bien plus floue et obscure que le prétend notre état civil. Par contre il est certain que pour exercer son pouvoir, l’Etat a du créer cette partition, indispensable à l’élaboration de la notion de responsabilité juridique et morale sur laquelle s’appuie l’ensemble des textes de lois et organise le statut pénal de la population. La baisse très lente de la limite [en France de 25 ans (ordonnance de Blois de 1579) à 18 ans aujourd’hui (loi du 5 juillet 1974)] dénote les atermoiements politiques face à la crainte toujours présente du caractère intrinsèquement subversif de la jeunesse et de son potentiel de renversement de l’ordre établi. Mais elle est également l’expression d’un conflit d’intérêt, celui que l’on a nommé « de génération » dans les années 60 entre ceux qui ont intégré définitivement la « doxa » de leur époque, qui les soumet mais leur autorise de « profiter » des « gratifications » qu’elle dispense en échange, et ceux qui disposent encore d’une « plasticité mentale » susceptible de leur permettre de prendre conscience de leur déterminismes (et de l’aliénation à venir) et de tenter de lutter contre (ce pourrait être une bonne interprétation de mai 68 en France…).
Cette apparente digression autour des catégories d’adulte, d’adolescent, de majeur et de mineur me semble indispensable pour comprendre de quoi nous parlons en évoquant l’idée de reconnaissance car, lorsque l’on aborde celle d’individu, je considère que nous sommes là « au coeur du sujet » ! De la reconnaissance parentale nous sommes passés à l’étatique et il me semble clair que le résultat est toujours aussi ambigu. Plus nous tentons d’approcher ce qui définit (donne les limites) l’ « être individuel » plus il semble perdre son corollaire affiché et revendiqué : l’autonomie.
C’est le regard des autres qui nous construit, qui, dans le même temps, nous libère et nous lie. Nous ne sommes nous même que parce nous sommes « reconnus » par les « autres » (ce qui s’entend par tous les intermédiaires, de nos proches à l’état), et notre bien être est ontologiquement dépendant de ce qu’ils expriment positivement de nous. C’est bien évidemment un instrument de soumission d’une grande efficacité pour ceux qui détiennent la possibilité du satisfécit, autant pour la mère par son amour que pour l’Etat par l’intégration, l’appartenance à la norme qu’il représente et institue. L’idée d’un adulte autonome débarrassé de cette emprise, comme tout ce qui précède tant à le démonter, est une chimère que la doxa contemporaine, productiviste et consumériste nous instille, et dont elle nous rend tous victimes. Seule une prise de conscience générale de cet assujettissement semble susceptible d’offrir une perspective radicale de transformation sociale. Les esprits optimistes peuvent en voir les prémices dans la série de manifestations pacifistes « spontanées » qui s’organisent en Europe depuis 2008 et qui marquent l’apparition d’une jeunesse internationale soudainement lucide sur son aliénation et son asphyxie et particulièrement inventive et efficace dans ses formes de contestation (printemps arabe, mouvements grecs et Islandais, « Geração à rasca » / génération à la traîne, les « indignados », etc.).
Pour conclure et quoi qu'il en soit, nous, espèce humaine, sommes parvenus à une cruciale bifurcation et bien que l’hypothèse d’une évolution radicale de nos structures mentales soit bien incertaine, il n’en demeure pas moins que, pour survivre, nous y sommes forcés. Et ce n’est bien évidemment que la jeunesse, en présupposant qu’elle soit capable de s’affranchir des mirages consuméristes, qui soit encore en mesure d’opérer cette « mutation ».

Le 15 avril 2012
Singulier.eu

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1 Le neuromarketing peut se diviser en trois axes
- Application des découvertes des chercheurs sur le fonctionnement cérébral pour rendre plus pertinents les outils de communication (publicités, sites Internet). Ceci vise à améliorer les caractéristiques soit de l'outil soit de sa diffusion (neuroplanning).
- Utilisation de l'électro-encéphalographie (EEG), couplée à l'enregistrement de la conductance du derme ainsi qu'à l'oculométrie. Cela permet de mesurer les niveaux d'attention et d’émotion générée par un spot de publicité. L'avantage de cette méthode est la précision temporelle qui permet de suivre l'activation cérébrale tout au long de la publicité. Sa faible précision spatiale ainsi que son impossibilité d'enregistrer des régions profondes du cerveau la limite dans son utilisation.
- Exploitation des résultats obtenus grâce à l'imagerie par résonance magnétique (IRMf). Cette technique permet d'observer l'ensemble des zones du cerveau susceptibles d'être activées avec en plus une très grande précision anatomique (de l'ordre du millimètre). Elle est donc la plus efficace pour rendre compte de l'image d'une marque ou d'un produit. Ses limites se situent au niveau de la précision temporelle et de l'impossibilité d'effectuer des mesures dans les lieux d'achat.

2 Si vous jetez une grenouille dans une bassine remplie d'eau bouillante, elle s'efforce désespérément de s'échapper, et se débat avant de mourir. Mais si vous la déposez dans une bassine d'eau froide, que vous chauffez ensuite progressivement, elle se laissera ébouillanter sans chercher à s'enfuir.

3 Mesures liberticides et lois antiterroristes (CETIM / Centre Europe- Tiers Monde) Depuis les événements tragiques de septembre 2001, les Etats-Unis en tête, suivis par de nombreux autres Etats, en particulier ceux de l'Union européenne, ont adopté une série de mesures et lois nationales dites antiterroristes. Or, elles ne sont nullement apparues " ex nihilo ". Pour l'essentiel, elles ont plutôt consisté en un développement de politiques répressives déjà existantes et de projets de législation liberticides et antidémocratiques en attente, les gouvernements se saisissant de cette conjoncture favorable pour les faire passer sous le coup de l'émotion et de la confusion. Toutes ces normes nationales ont en commun qu'elles entretiennent un flou sur la définition du terrorisme, ce qui permet de qualifier comme terroristes différents agissements qui n'ont rien à voir avec une activité terroriste. Elles rognent, à un degré plus ou moins grand, des droits et des garanties fondamentales des citoyens et notamment des étrangers, le droit à ester en justice, le droit au respect de la vie privée, etc. et accroissent les pouvoirs de la police, des services de sécurité et de renseignements sans contrôle judiciaire. Elles ouvrent la voie à la criminalisation de tout mouvement de résistance aux politiques néolibérales imposées d'en haut, comme la tendance s'en fait déjà lourdement sentir un peu partout. La prétendue lutte anti-terroriste vient à point nommé pour renforcer la répression et enlever toute consistance à l'exercice le plus élémentaire de droits civiles et politiques pour renforcer la répression et enlever toute consistance à l'exercice le plus élémentaire de droits civiles et politiques pour s'opposer à la pratique généralisée du fait accompli.

4 A ce sujet je dois renvoyer, encore une fois, à un exposé cardinal de Pierre Bourdieu, totalement occulté par l’intelligentsia contemporaine, et datant, croyez le ou non, de 1972: « L'opinion publique n'existe pas.» Cf. Références

5 Il est troublant de constater qu’historiquement le mot opinion (dérivé du latin opinio,-onis, v. 1200) est employé en philosophie pour traduire le grec doxa (→ orthodoxe) ; en l’absence d’un nom correspondant à credere (→ croire) opinio à pris le sens de « croyance » souvent avec la nuance « croyance imaginaire ou fausse ».

6 Cette théorie dont je résume ci-dessous les grandes lignes est celle d’un mésestimé et pourtant essentiel chercheur scientifique pluridisciplinaire du siècle dernier, Henri Laborit (1914-1995), que je me permets de résumer et commenter ainsi :
- Le comportement de fuite (ou d’évitement) est omni présent et permanent, directement consécutif à notre éducation, ciment de notre cohésion sociale. Malheur à celui qui parle et agit sans ce filtre de convenance et civilité acquises et intériorisées.
- L’inhibition suscitée par le « stress » de la violence institutionnelle (par exemple administrative et salariale) est aussi une constante familière. Elle induit, par exemple, des effets délétères sur la santé psychique et physique des personnes concernées (en augmentation exponentielle) toute à tendance suicidaire (maladies ou passage à l’acte / « vague » de suicides à France Telecom et à La Poste…). Il est remarquable de constater qu’il s’agit bien d’une paralysie de l’agressivité par l’intériorisation des codes dominants car étonnamment, en l’occurrence, aucune action subversive à l’encontre des hiérarchies, pourtant directement responsables, n’est à signaler.
- A l’inverse, mais démontrant la même chose, la « violence des banlieues (lieu de la mise au ban !) » peut être ainsi perçue comme l’expression d’une agressivité, non maitrisée à la source par l’absence d’autorité parentale et institutionnelle, contre « l’autre », en général, (quel qu’il soit…même semblable comme l’ a montré l’ « embrasement de novembre 2005 »), en toute inefficacité objective mais susceptible de soulager les tensions accumulées.
- Enfin la lutte, elle, n’intervient donc uniquement que lorsque deux êtres entre en compétition en vue de satisfaire le même besoin et que les mécanismes d’inhibition n’opèrent plus. Cela démontre qu’il n’existe pas objectivement de volonté (instinctuelle) de domination mais qu’elle s’impose, en dernier ressort, comme mode d’accession à la satisfaction de la pulsion vitale. Et il est bien perceptible que les sociétés « évolués » ont développé, de manière plus ou moins subtile et dissimulé, des rites de canalisation de cette énergie à fort potentiel destructeur (par exemple la compétition sportive, politique et/ou intellectuelle) et des protocoles consensuels permettant de réguler la hiérarchisation institutionnelle, l’accession aux fonctions sociales, économiques et politiques dominantes.

7 La majorité civile ou majorité légale ou encore simplement majorité est l'âge auquel un individu est juridiquement considéré comme civilement capable et responsable, c'est-à-dire essentiellement l'âge auquel il est capable de s'engager dans les liens d'un contrat ou d'un autre acte juridique (sauf exception). Avant cette date, l'individu est dit « mineur ». Un mineur peut être propriétaire ou être engagé dans les liens d'un contrat, mais il ne peut disposer librement de sa propriété ni en principe s'engager seul. Toutefois, pour adapter le statut à la progression de la maturité de l'individu, un mécanisme est proposé et appliqué dans certains pays, la pré-majorité, ouvrant partiellement les possibilités de s'engager seul. La majorité sexuelle est l'âge à partir duquel un individu, s'il est mineur civil peut entretenir une relation sexuelle avec un adulte, sans que celui-ci commette une infraction pénalement réprimée. La majorité sexuelle est la plupart du temps plus basse que la majorité civile et que la fin de la scolarité obligatoire. Au-delà de cette limite, le majeur sexuel ne relève donc plus des lois spécifiques de protection de l'enfance et de lutte contre l'abus sexuel sur mineur, mais d'éventuelles lois réglementant les relations sexuelles entre adultes ou la répression du proxénétisme.