Pourquoi le tennis moderne ne présente plus aucun intérêt !

Texte Publié en janvier2013 dans la Revue Sens-dessous: N° 11 "Le désordre"

Il y a fort longtemps j’ai pris un extraordinaire plaisir à pratiquer ce jeu et même à me délecter du spectacle que la télévision, fin des années 70 et début des années 80, retransmettait déjà en direct et qui passionnait la France entière. Et ce n’est pas une exagération car l’activité dans les administrations publiques et même dans les entreprises privées pouvait s’interrompre totalement lors d’un match opposant Björn Borg, John McEnroe, Jimmy Connors, Ivan Lendl et bien sûr Yannick Noah.
Et je m’empresse de repousser l’argument, gentiment condescendant, qui me cantonnerait dans le radotage du « papy nostalgie »…Car il existe d’objectifs arguments qui permettent de comprendre ce qui se passait alors dans l’imaginaire collectif d’un pays comme la France (il me semble qu’il s’agissait encore une fois d’un particularisme sociologique sans équivalent dans d’autres pays) et pourquoi cela n’existe plus du tout aujourd’hui. Et je voudrais tenter de les mettre en lumière tant il me semble que l’histoire de cette dégradation peut être vue comme une métaphore assez précise de celle de notre société.
Mais en préambule il est indispensable de comprendre ce qu’offre (devrais-je dire offrait…) le jeu de tennis, comme potentiel d’élévation physique, mentale et morale d’une part et également comme espace relationnel fabuleusement intense et intime. Il n’existe que très peu de sports qui mettent uniquement deux personnes en concurrence en dehors des combats (boxe, karaté, judo, etc.) et des affrontements par armes interposées. En fait, si l’on excepte le jeu d’échec (sport cérébral ?) cela se réduit à ceux qui nécessitent de pacifiques prolongements du corps en l’occurrence des raquettes (badminton, ping-pong, tennis) et ce dernier, de nos jours, demeure de loin le plus pratiqué et surtout médiatisé.
Son extraordinaire particularité provient du cadre physique rigoureusement limité des échanges (le court) et des règles draconiennes qui les contraignent : Ils génèrent ainsi une sorte d’espace-temps clos dans lequel deux personnalités, par leur commun accord à se trouver là ensemble, vont, dans une soumission volontaire à une loi momentanée, établir une relation d’une surprenante et haletante intimité. La similitude avec les « sports » de combat serait évidente (et la sémantique des commentateurs ne se prive pas, à tort, d’y faire en permanence référence…) si l’on écartait un essentiel détail : La balle et la raquette. Car cet essentiel double prolongement du corps est propre à transformer radicalement la stupide violence de l’affrontement archaïque des égos, en simple concurrence apaisée, respectueuse et ludique, parce qu’elle offre, aux protagonistes en présence, la distance physique et mentale nécessaire à la maitrise de leurs instincts. L’interdépendance des deux joueurs ainsi réunis au sein de ce microcosme idéal, leur offre, s’ils savent la saisir, l’opportunité de transcender leur rivalité endémique en une jubilatoire fraternité. C’est ce que les anglo-saxons, inventeurs de ce jeu entre 1858 et 1870 adapté du « jeu de paume » français et plus particulièrement d'un jeu provençal « tenes », ont nommé si joliment et judicieusement « fair-play » où il est remarquable de constater qu’étymologiquement « fair » 1 (lumineux, beau, bon et /ou clair, juste, loyal) à finit par donner « fairy » qui renvoie à fée et féerique en français (sic)!
A ce stade, il est bon de rappeler qu’il fut pratiqué et uniquement reconnu par les instances dirigeantes 2 pendant presque un siècle comme un sport d’ « amateurs » et ne céda définitivement aux sirènes mercantiles du professionnalisme qu’ en mars 1968. Ce n’est qu’à cette date, suite à une lutte d’influence féroce mené par les organisateurs de tournois professionnels appuyés par une partie des joueurs convertis à l’appât du gain, qu'une dizaine de tournois furent « ouverts » à tous et, que, la digue rompue, le tennis devint quatre ans plus tard (août 1972) totalement « Open ». Cette reddition, unanimement présentée comme une « libération » m’apparait aujourd’hui bien au contraire comme une immense défaite de la culture humaine devant la marchandisation barbare et tout à fait emblématique du processus pervers qui associe le progrès et la liberté au commerce et qui le légitime, in fine, au nom de la démocratie.
Activité aristocratique par essence, réservée à une élite oisive et aux règles directement associées à la rigueur conservatrice de la société victorienne, il fut idéologiquement enfantin aux promoteurs cupides de se déguiser en émancipateurs intègres, chantres prodigues de la « modernité ». C’est là une séquence historique exemplaire de la capacité du capitalisme à détruire la civilisation au nom de sa prétendue incontestable marche en avant vers la liberté. Ce qui fut anéanti en ces quelques années décisives (et c’était inéluctable et fut quand même étonnamment retardé…) n’est pas le conservatisme désuet d’une société déjà disparue mais bien l’instauration, extraordinaire et paradoxale pour cette époque, d’un jeu visant la maitrise des pulsions dominatrices et un égalitarisme des sexes parfaitement improbable dans une société victorienne sous le joug d’un implacable patriarcat. Car, de manière tout à fait étonnante, les femmes eurent immédiatement leur place sur les courts et le premier tournoi féminin de Wimbledon date de 1884 soit simplement 11 ans après la création de celui des hommes. Personne aujourd’hui ne semble réaliser la radicalité qu’une telle (r)évolution représente pour cette époque. Il semble qu’il en fut d’ailleurs de même pour les témoins d’alors, comme si l’effet de modernité (de mode et de nouveauté mêlées) gommait le caractère objectivement subversif de cette étrange manière de se divertir. Car transcender à la fin du XVIIIème siècle la compétition et l’affrontement viril par des valeurs de respect mutuel, d’honnêteté souveraine, de fraternité ludique et amicale et, de plus, sans discrimination sexuelle, s’apparente plus à une incongruité idéologique qu’à la futilité novatrice d’un passe-temps. Et pourtant c’est bien ce qui va s’étendre, dans un premier temps, comme un irrésistible incendie sur toute l’Europe puis à l’ensemble des nations dites « civilisées » de l’époque, insufflant au sein des « élites » combatives de cette fin de siècle et du début du suivant, un adoucissement des relations de concurrence étrangement progressiste et pacifié. Il est d’ailleurs moins surprenant de le voir à l’oeuvre en Angleterre, pays de la courtoisie, de la retenue et de l’extrême « éducation » de son aristocratie, que d’en constater le déploiement dans des sociétés beaucoup plus rustres et régies par un machisme bien plus primitif. Il serait certainement très instructif de tenter d’analyser et de comprendre ce qui sociologiquement est à l’origine de cette singularité (c’est peut être déjà fait et mon inculture l’ignore… !) mais ce n’est pas ici mon propos.
Ce petit historique n’a pour seul objet que de rappeler les qualités et valeurs fondatrices du tennis d’origine pour les mettre en parallèle avec les moeurs objectives du professionnalisme tennistique et de sa médiatisation, de son avènement à aujourd’hui.
-D’abord le jeu lui même:
Il permet, par son extrême subtilité, de rendre chaque partie unique et incertaine. L’indécision permanente directement consécutive à l’intelligence des règles installe une tension (un « suspens ») qui ne trouve son dénouement qu’une fois le dernier point gagné ou perdu. Le « retournement de situation » restant toujours possible, l’arrogance du dominant peut se transformer instantanément en immense détresse et frustration (et vice-versa…). Les joueurs et le public plongés dans ce maelstrom émotionnel sont emportés au grès des rebondissements réels ou potentiels dans un crescendo scénaristique sans équivalent. C’est l’expression distancées et jubilatoires de notre volonté indéfectible de maitrise du réel confrontée à l’aléatoire de notre destin ; une magnifique représentation théâtrale de la confrontation du hasard et de la nécessité. C’est la seule caractéristique qui demeure encore aujourd’hui et continue à susciter l’intérêt du public et des médias même si les « organisateurs » des tournois et les fédérations ont déjà cédé quelques concessions aux pouvoirs d’argent (l’invention du tie-break par exemple pour raccourcir la durée des parties). Cela va beaucoup plus loin au sein des clubs puisque l’on a vu récemment apparaitre le « no-ad » qui supprime le ballet des « avantage/égalité » pour certaines catégories de compétitions et qui est une atteinte cruciale aux fondamentaux de la règle d’incertitude.
-Ensuite les joueurs :
Peut-on encore les appeler ainsi ? Ils sont formatés dès la prime enfance pour devenir des champions et ne connaissent en général du monde que les limites des courts où ils évoluent. De ce troupeau de forçats de la raquette sacrifiés au Moloch de la célébrité et des revenus mirobolants, n’en émergerons que quelques uns, presque toujours sous la coupe d’un père ou d’une mère ou/et d’un clan familial qui se réalisent à leur dépend, leur imposent des contraintes de vie et d’entrainement spartiates et sacrifient sans état d’âme leur jeunesse et leur spontanéité au nom d’une hypothétique réussite. Et pour un qui y parviendra, des centaines n’obtiendront que des miettes et se morfondront dans l’amertume d’une immense désillusion. Sans compter les dégâts que subissent les corps maltraités, surentrainés, blessés, hors service la trentaine passée! Quant à l’éducation morale, tant vantée et souvent présentée comme modèle de comportement, elle se révèle d’une redoutable hypocrisie et d’un cynisme révoltant. La générosité et le détachement, l’élégance et la retenue, le respect et la modestie, toutes ces qualités inhérentes au comportement du tennisman d’origine ont été laminées par l’enjeu qui a définitivement supplanté le jeu. S’y sont substitués irrémédiablement l’ambition et l’égoïsme, la vulgarité et la fanfaronnade, l’orgueil et l’arrogance auxquelles ont été ajouté l’agressivité, la fureur de vaincre, le mépris de l’autre voire sa négation. Et tout ceci nous est livré sans fard, par une réalisation télévisuelle au plus près des visages et des attitudes, à l’affut de la moindre expression de dépit ou de triomphe, sans qu’il en soit fait la moindre critique et que personne n’en soit publiquement, le moins du monde, ne serait-ce qu’offusqué. Les visages déformés par la rage et la haine, le poing dressé à chaque point gagné (souvent suite à une faute non provoquée commise par l’adversaire), les coups d’oeil assassins à l’ «ennemi », les cris et ahanements qui accompagnent et amplifient la volonté de puissance de chaque coup (même chez ces dames qui nous offrent ainsi parfois de savoureux crescendos orgasmiques… !) procurent, à qui sait encore voir, un intense malaise si ce n’est une profonde répulsion.
Il est également consternant de constater à quel point la plupart des ses jeunes esprits sont sous l’emprise des plus extraordinaires superstitions et d’un incroyable fétichisme qui leur font développer des rituels immuables dans leur gestuel, en particulier au service(par exemple reproduire tout une série de gestes qu’en tout autre occasion on pourrait diagnostiquer comme des « tocs » (troubles obsessionnels compulsif), mais qu’en l’occurrence l’on nomme concentration), lors de leur déplacements entre les jeux, sur le trajet qui les ramène à leur chaise, au changement de service (ne jamais croiser le regard de l’adversaire, suivre un parcours indéfectible, ne pas marcher sur les lignes, etc.) ou à la pause entre les jeux (tout le cérémonial de l’isolement, de l’alimentation, les yeux vers l’intérieur ou peut être dans le vide,….pour « rester dans le match ! »).
Quant au « Fair-play » ce n’est plus qu’une pure hypocrisie de façade et qui se résume à un ou deux applaudissement de la main sur la raquette la plupart du temps le dos tourné à
l’adversaire pour saluer de sa part un coup gagnant exceptionnel et a anticiper la rectification d’une balle annoncé « faute » à tort par le juge de chaise dans des moments évidemment sans enjeu ; mais bien entendu à chaque fois mis en exergue et hypertrophiés par les commentaires élogieux des journalistes subjugués par tant de « sportivité »….
Il est vrai que tout ceci s’est fait très progressivement, que ce fut dans les années quatre-vingt des comportements rares et souvent sanctionnées, perçus et appréciés comme les manifestations de personnalités excentriques et rebelles (McEnroe, Connors, etc.). Et ce surcroit d’artificielle « dramatisation » fut espéré, attendu, souhaité, et finalement programmé. Car, en 1974, l’avènement du « jeu de fond court » avec Björn Borg, en totale contradiction avec l’idée même du tennis qui édicte la « prise du filet » comme seule honorable manière de jouer, fut la « révolution » technique et stratégique, qui endommageât irréversiblement l’essence même du tennis et le rendit profondément ennuyeux. Il était d’ailleurs prévisible que le professionnalisme, en recherche systématique d’efficacité, allait produire ce type de dérive et de régression. Mais ce fut bien sûr accueilli comme un progrès, puisque Borg devint n° 1 mondial, remporta 6 fois Roland Garros et glorifia la tactique qui consistait à l’époque à renvoyer inlassablement la balle sans prendre de risque en comptant sur la faute de l’adversaire pour l’emporter (les méprisés et honnis « crocodiles »). Il est ainsi à l’origine du jeu surpuissant de « fond de court » dominant le tennis d’aujourd’hui et par là même de la victoire définitive de l’efficacité sur la vaillance et l’audace. Il faut bien comprendre que ce combat désespéré entre le productivisme et la générosité fut le ressort, plus ou moins conscient, de la passion que suscitèrent quelques rencontres homériques de cette époque ; et que ce qui se jouait sur les courts dépassait largement l’affrontement de deux personnalités mais symbolisait la lutte, gigantesque et perdue d’avance, de l’utilitarisme et du pragmatisme capitalistique triomphant face au rêve, alors encore en mouvement, d’une société plus juste, plus égalitaire, inventive et audacieuse. C’est donc paradoxalement que le spectacle tennistique inscrivit ces heures de gloire télévisuelles et que surfant sur cet engouement, comme sait si bien le faire l’opportunisme de profit, sa médiatisation annuelle devint une institution. Car, et ce fut une progression constante depuis le début du professionnalisme, la performance et l’efficacité sont devenus les seuls objectifs et ont tout dévasté en quelques décennies. C’est un peu comme si l’«esprit » du tennis avait été dépecé, année après année, audience après audience, tunnel de pub après tunnel de pub, par la seule recherche du profit et des gains mirobolants, réduisant cette magnifique dramaturgie à un spectacle insignifiant. S’il a fallu autant de temps c’est qu’il est aussi difficile de transformer de l’or en plomb que l’inverse et que les premières années du professionnalisme restèrent intimement imprégnés de l’éthique promulguée pendant un siècle par les fondateurs et joueurs amateurs. Mais, le réservoir des « grands anciens » épuisés, le combat contre le mercantilisme définitivement perdu, il ne resta plus à la fin des années quatre-vingt que cette nouvelle génération de joueurs, tous semblables, machines à taper dans la balle sans autres désirs que la soif inextinguible de victoire et de célébrité, ne proposant plus qu’une surenchère athlétique désespérant notre désir inassouvi d’admirer encore une fois l’audace, le courage et le désintéressement d’un authentique et généreux prétendant.
La capacité du monde marchand à détruire la fraternité, la jouissance du partage, l’oubli de soi, la reconnaissance d’autrui, la beauté du geste gratuit est sans aucune limite. Elle recouvre le monde d’un voile de désespérance en produisant le simulacre de ce qui a été et laisse un arrière goût de cendre à tous ceux qui continuent à le « consommer ». Il y a une sorte d’ extrême prouesse à avoir transformé un jeu impliquant deux personnes vivantes et jouissantes en un spectacle opposant deux autistes, coupés du monde et d’eux même, et dont l’ultime objectif est de nier la présence de l’autre pour mieux le dominer. Raphael Nadal et Maria Sharapova, tous deux vainqueurs de ce Roland Garros 2012 sont les archétypes aboutis de ces nouveaux « formats » de joueurs dont la seule ambition est d’anéantir mentalement et physiquement la « chose » de l’autre côté du filet. Cette dernière n’est plus, au fond, qu’un simple obstacle entre eux et la victoire.
Et pourtant, et cela demeure une incontestable vérité, pour réellement jouer il faut être deux mais ensemble, que l’autre soit le partenaire avant l’adversaire, il faut la volonté commune d’un plaisir partagé supérieure à celle de vaincre, la reconnaissance de l’autre et une générosité romanesque, il faut considérer la « partie » comme essentielle avant le résultat. Alors, d’évidence ce à quoi nous assistons aujourd’hui, est bien d’un tout autre ordre. C’est devenue la représentation symbolique de notre déchéance, peut être de la perte définitive de notre humanité collective, l’avènement de notre imbécile croyance au surhomme (ou à la « surfemme… » ! Sémantiquement plus difficile à désigner pour le sexe faible…) enfin débarrassé de sa dépendance aux autres, seul maitre (ou maitresse) de son destin (cf. L’individu). Et pourtant il suffit de les voir tous s’effondrer en pleurs après la victoire (et bien sûr la défaite), redevenus en un instant des enfants fragiles et démunis, soulagés plus qu’heureux, tentant de « profiter » de cet instant d’éphémère bonheur mais déjà conscients de sa vertigineuse vacuité (Yannick Noah en a fourni un témoignage émouvant en relatant (lors d’interviews et par écrit) le désarroi et l’état dépressif qui l’a envahi suite à sa victoire à Roland Garros en 1983).
- Et,...les commentateurs !
Pour finir, comme une sorte de détente tragi-comique, devant cet affligeant fiasco, il me semble pertinent de rapporter ici quelques uns des innombrables propos qu’égrènent à longueur de retransmission les « journalistes » et « consultants » sportifs au fil des matchs.
-D’abord le chauvinisme ordinaire :
-« Mets-toi en colère, Jo ! » (Wilfried Tsonga) »…Ce Jo « qui enflamme le public »…Public « qui n’hésite pas à applaudir sur les fautes de l’adversaire !»… « …, passer le moins de temps possible sur le court ! ». Cette énormité là mérite vraiment d’être soulignée car elle est, à elle seule, la démonstration de tout ce qui précède !
-« Elle a besoin de se libérer,…d’une période de concentration avant le retour au combat !» dernière remarque qui salut et légitime le détestable rituel de Maria Sharapova, opposé ce jour là en finale à Sara Errani, qui consiste à tourner le dos à son adversaire avant chaque mise en jeu, et puis, en suivant « Elle ne lâche pas sa proie ! »… « ..En prenant son adversaire à la gorge ! »… « C’est elle qui fait le jeu !....Ca coupe les pattes !...Quel bombardement ! » et, parlant des soutiens dans les tribunes de son adversaire « Et, voici le clan italien qui se réveille ! »
-Enfin pour conclure en beauté la finale « Rafa / Djoko » pour Rafael Nadal contre Novak Djokovic (cette familiarité semble surtout avoir pour objet de montrer combien tous ces commentateurs et consultants sont intimes avec les joueurs…mais très étonnamment utilisent le diminutif du prénom de l’un et celui du patronyme pour l’autre)
- Alors que Nadal gagne 3/0 dans le premier set après ¼ d’heure de jeu : « Il est très important de rien lâcher !...Ne pas laisser le moindre espoir !...Il a l’intention de gagner : 6/0 6/0 6/0 ! » - Puis très vite bien sûr : « Le combat physique s’est mis complètement en route !...On sent le bras de fer qui est en train de s’installer sur le central ! » - Et lorsque Nadal domine et va remporter le deuxième set : « On sait que son orgueil est immense !...Voyez cette détermination, cette rage sur le visage de Rafael Nadal ! ».
J’en suis resté là, certainement un peu lassé, et n’est donc pas vu le « retour » de Djoko interrompu par la pluie, ce qui ne l’a pas empêché de perdre, mais seulement le lendemain…. !
Tout ce « bavardage » redondant et emphatique, sans le moindre recul sur ce qui se « joue » réellement sur les courts, produit, reproduit et propage en toute apparente ingénuité la doxa néolibérale dominante et peut certainement être perçu comme l’expression emblématique de sa capacité d’assujettissement et d’aliénation. Il sert essentiellement à atténuer la laideur des attitudes morales qui nous sont données à voir sans équivoque (le ralenti ne nous en épargnant aucun détail !) en la légitimant dans la bonhommie d’une évidence consensuelle.
Sont ainsi « diffusés », publiquement et comme allant de soi, à la fois l’image et le discours qui l’autorise, d’un comportement prôné en modèle de réussite sociale et économique alors qu’en vérité il est en frontale contradiction avec les valeurs de fraternité, de respect de l’autre, de générosité et d’oubli de soi , de gentillesse et de courtoisie,… toutes qui devraient être les fondements de la civilité et donc d’une démocratique civilisation.

Le 12 juin 2012
Singulier.eu

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1 L’origine anglo-saxonne du mot renvoi à « passe, temps, récréation, et jeu » et plus tard à « divertissement ». S’il se pratique dans une saine « concurrence » qui peut vouloir dire aussi «être ensemble, agir de concert, conjointement, à égalité dans la poursuite d'un même but ».
2 Fédération Internationale (Coupe Davis…) ou par les Fédérations nationales (Internationaux des pays adhérents et particulièrement ceux du Grand Chelem…)