Médias et information

Il  est tout d’abord certainement utile de se souvenir, qu’en latin, media, pluriel de medium signifie : milieux, intermédiaires. Cela n’a rien d’anodin si l’on s’interroge aujourd’hui en se demandant : De quoi ? Entre qui et qui ?
Les « médias » contemporains  peuvent (ou plutôt cherchent à) se définir comme des simples  outils (ou moyens) de « communication » au sens de diffusion d’un contenu informatif, culturel  ou promotionnel. Ils sont donc, enfin devraient être, par essence, idéologiquement, sinon neutres, du moins impartiaux. En tous cas c’est ainsi qu’ils se (re)présentent eux-mêmes. Cette vision naïve, réelle ou feinte, ne correspond bien sûr pas à la réalité ; d’abord parce que, dans toute société, la « neutralité idéologique » n’est que soumission (inconsciente ou masquée) et allégeance aux forces dominantes, et qu’en l’occurrence, il ne s’agit pas simplement de transmettre des messages mais bien de les produire et de les formater avant de les distribuer. 
Ces « tuyaux » qui « canalisent » (Canal+ !) peu à peu l’essentiel de notre connaissance du monde jusqu’à nos domiciles (voire directement dans notre oreille : Ipod, « mobiles » de toutes sortes, etc.) sont bien plus que de simples voies de distribution : Ils substituent irréversiblement le contenant au contenu, la forme au fond, et nous plongent au sein d’une dramatique confusion ! Car leurs diversités apparentes, le pluralisme garant de nos démocraties, ne masquent en réalité que l’objectif commun de tous leurs actionnaires, à savoir la promotion et le commerce d’objets, d’opinions,  de valeurs,  de divertissements, etc.
Ainsi le  terme, dont le sens a été phagocyté par l’anglais « mass-média », a progressivement perdu  son rôle mineur de simple moyen de diffusion pour acquérir la signification, par glissement sémantique progressif, de contenu  informationnel  au sens large et par « extension d’usage »  devient  progressivement  un  substitut au mot culture. Tout est, ou en passe  d’advenir, « médias » ou d’y être assujetti : L’information, le cinéma,  les jeux vidéos bien sûr mais aussi la musique, le chant, la littérature, la philosophie et toutes les sciences dites « dures », en fait toute activité économique, culturelle, politique pour qui la reconnaissance médiatique  est devenue  le substantiel auxiliaire et qui, afin de l’obtenir, est prête  à toutes les nécessaires dégradations et compromissions.  De fait les différents « supports médiatiques » classiques (presse, radios, télévision, etc.), obsédés par l’évolution technologique,  s’interpénètrent de plus en plus en perdant leur spécificité et  seront inéluctablement tous soumis à terme aux mêmes contraintes; l’avènement d’Internet  qui  s’instaure graduellement comme l’unique portail  vers la totalité des autres  supports efface peu à peu  toute  distinction  entre l’écrit, la radio et l’audiovisuel. Le journalisme de presse écrite est en  voie d’extinction et cherche désespérément un nouveau modèle économique viable  sur le net.  Toutes les radios ont leur site web et le « podcast » n’est qu’au début de son évolution…. Il est également courant, et cela devrait s’amplifier, que des débats ou émissions radiophoniques soient filmées et  accessibles en ligne.
Tout cela implique bien évidemment la prise en compte du visuel au sein même d’activités qui jusqu’alors en étaient protégées et l’apparition d’un modèle unifié de diffusion des contenus.  Il en résulte une normalisation de la production et du traitement des contenus et permet de penser qu’au centre de ce nouvel « univers médiatique »  va régner  en maître absolu et de manière exclusive, ce que l’on a nommé jusqu’à présent et  de manière restrictive: La Télévision . Nous associons depuis si longtemps le mot à l’objet   que nous en avons perdu son sens réel. Tout moyen (média) de diffusion et de réception, au loin et  de loin, d’images sonorisées et  animées (ou non) peut (devrait !) être nommé ainsi et il serait donc plus juste de l’appeler Télé-audio vision comme on dit d’ailleurs audio-visuel 1. Ainsi tout l’appareillage « mobile » apte à nous accompagner de manière intime au cours de l’ensemble de nos activités quotidiennes n’est rien d’autre qu’une nouvelle forme sophistiquée de télévision et son impact  aliénateur sur nos comportements, bien loin d’en être en quoi que ce soit radicalement modifié,  s’en trouve de la sorte, bien au contraire,  insidieusement décuplé. Ainsi  ce mot, si  commun et si familier, à la signification inoffensive, est devenu en quelques décennies l’instrument privilégié de notre asservissement bien qu’à contrario, déjà présenté et perçu  à son origine, comme celui de notre  émancipation par l’accès infini qu’il était censé nous offrir au monde et à la connaissance.
C’est le méta-médium, celui qui, depuis son apparition dévore peu à peu tous les autres  quelle que soit la technique de diffusion  ou le support  de réception.  En particulier, et à contre courant des avis reçus, il apparait clairement que ce n’est pas l’Internet qui supplante la télévision mais bien l’inverse qui est en train de se produire. La diffusion des chaines télé-audiovisuelles  via le Web (qui n’est, rappelons le,  qu’une infime partie de l’internet /Pour en savoir plus : http://fr.wikipedia.org/wiki/Internet)  annonce, une réduction drastique de l’espace de liberté démocratique qu’a un moment semblé offrir  cette fantastique  avancée  technologique.  Les grands médias télé-audiovisuels ne vont pas se contenter d’utiliser le « réseau des réseaux » mais ils vont (ils sont déjà en train de…) le transformer radicalement à l’aune de leurs intérêts et tenter de se l’approprier  par tous les moyens.
La production, en cours, d’écrans-ordinateurs  mobiles ou de salon  va assurément modifier le rapport de la  population à l’informatique. Simplifiant son utilisation (démocratisant nous dira-t-on !) elle ôtera peu à peu (en 1 ou 2 décennies !?) la capacité de maîtrise individuelle qu’a autorisé une mise en place complexe d’une technologie balbutiante qui a su s’appuyer sur l’engouement d’une petite minorité d’initiés, mais devenus progressivement incontrôlables et donc dangereux.  Cette génération  d’autodidactes hyper compétents, certains dépassant parfois les tenants du savoir institutionnel et  à même d’intervenir sur le cours de l’histoire (ceux que l’on présente comme des « Pirates » ou « Hackers ») ne sont en réalité, pour la plupart, que des personnes qui ont perçu, exploré et investi  la faille qui leur était offerte dans le système économique, social et politique  avec des succès considérables et profondément perturbateurs pour les pouvoirs en place (pour exemples  l’accélération par le téléchargement « illégal »de la disparition du cd, la capacité de mobilisation citoyenne (pétition rassemblement, etc.), la remise en question étayée des versions officielles des grands événements mondiaux, etc. ). 
Et il est peu probable que les enfants à naitre puissent acquérir les mêmes qualifications du simple fait qu’ils vont perdre l’opportunité d’un accès non totalement  contrôlé  à la toile en même temps que disparaitront progressivement les pc au profit des nouveaux supports mobiles et domestiques (prophétie de Bill Gates !). Car cette « avancée » est, d’abord, une simplification d’adhésion grâce à une interface élémentaire (série d’icones) et, donc, une canalisation incontournable des possibilités et des résultats de recherche.
Mais était-il envisageable que les pouvoirs dominants tolèrent à long terme  une utilisation individualisée et non supervisée d’une telle puissance de contestation  sans chercher à la maitriser? Lors des cinquante dernières années la diffusion audiovisuelle a été instrumentalisée en tant que  capacité d’asservissement et de dépendance de l’ensemble de la population à l’idéologie dominante. Comment penser qu’il n’en serait pas de même pour ce que l’on nomme les « nouvelles technologies » mais qui ne sont bien évidemment que le prolongement des anciennes ?  Les nouveaux « jouets » informatiques  à venir n’ont pas comme seul objectif une course imbécile mais lucrative à l’hyper consommation. Ils sont peut être, de plus, l’opportunité de désamorcer  ce vent démocratique et subversif qu’a offert et offre  encore le  Web, par son potentiel d’accès à la connaissance et surtout d’expression non encadrée (apprendre et s’exprimer)  en orientant, grâce  une nouvelle apparente facilité, la plupart des  recherches vers des chemins balisés et idéologiquement  normés  (les « applications » sur les iPads et iPhones  en sont une magistrale préfiguration).  Car ce faisant, et sous couvert encore une fois de progrès, ils  assujettissent  une jeune population qui  a cru et croit encore se libérer par l’autonomie  apparente  que lui offre ce nouvel accès personnalisé à l’information et à la communication, mais qui s’avère, d’abord et avant tout, comme l’ultime véhicule addictif vers le monde sublimé de l’hyper consommation ;  en lui laissant même peut être encore l’opportunité factice de se croire un acteur social déterminant  via les réseaux sociaux, forums, blogs, et autres « twitter », etc.
La « ringardisation » de la « télé de papa » au profit de soit disant « nouveaux médias » n’est  en fait qu’un leurre, une fausse perception de notre intelligence abusée, visant à nous faire espérer que la seule amélioration d’une technologie, aussi sophistiquée soit- elle, peut équivaloir à un progrès social, en nous en faisant miroiter, à nouveau comme il y a soixante  ans,  le même extraordinaire rêve d’émancipation.  Cette corrélation présupposée de l’essor d’une civilisation à ses capacités de maitrise technique devrait pourtant être définitivement discréditée tant elle est contredite par les faits depuis des millénaires ; mais l’objectif de l’ « Histoire »  n’est pas de nous éviter, comme on pourrait l’espérer, de commettre systématiquement les mêmes erreurs mais uniquement d’autocélébrer notre triste et stupide croyance en notre  suprématie.

  1. Il est indispensable de rappeler ici que cette « extraordinaire » avancée de notre capacité industrielle trouve sa source dans l’évolution des systèmes de transmissions liée à la « numérisation » (soit à la possible réduction dès 1870 d’un signal sonore en suite binaire (0,1) ouvrant la voie au télégraphe (un excellent article sur l’histoire du numérique ici !) et, aujourd’hui, à la banalisation d’un procédé, permettant la construction d'une représentation de tout  objet du monde réel par un nombre fini de nombres entiers et bornés. Cette transformation radicale de notre univers perceptif, que l’on peut qualifier de « réification du réel », affecte l’ensemble des activités humaines puisqu’aucun domaine ne peut plus directement ou indirectement en être épargné. Et peu sont ceux qui par delà les « bénéfices » immédiats et spectaculaires de cette mirifique « avancée » en perçoivent les implications ambigües, réductrices voire néfastes à moyen ou long terme. La création d’une réalité virtuelle n’est certainement pas une nouveauté. De la mythologie à la fiction contemporaine notre esprit s’est toujours construit des univers parallèles pour s’extraire ou tenter de mieux comprendre le mystère de notre environnement sensoriel. Mais c’est bien la première fois dans l’histoire de l’humanité qu’une production artificielle s’immisce au sein de notre organisation sociale et la transforme  (l’assujetti ?) aussi radicalement. Au point même que certains n’hésitent plus à  parler de réalité hybride et même de prôner son avènement comme le dépassement attendu de notre condition humaine.  Mais bien que cette digression ouvre d’évidence un autre sujet à traiter indépendamment, elle me semble essentielle pour mieux comprendre les enjeux  de la mutation médiatique à laquelle nous assistons.

Ainsi  je pense pouvoir affirmer qu’il n’est plus d’actualité lorsqu’on traite des médias, de les différencier mais bien de prendre conscience que la « numérisation » à l’œuvre  de toutes nos représentations, combinée à leur accessibilité via un fantastique réseau informatique et une série d’ « outils » individualisés, modifie radicalement  notre perception du monde. Et ainsi nous soumet, peut être définitivement,  à un système économique  totalitaire et délétère  d’où les valeurs humanistes du siècle des lumières sont  en passe d’être définitivement bannies  et qui acquiert inexorablement des moyens de manipulation, de falsification, voire même de création  d’une réalité au seul service de ses intérêts marchands.
Je ne juge donc plus utile, dans la suite de cet article, de faire de distinction entre les divers supports médiatiques que je considère désormais comme les simples variations d’un seul media global unifié.
Car même une certaine presse écrite quotidienne (en France, Le monde, Libération,…), qui jusqu’à  peu, pouvait être considérée comme un espace protégé, véritable lieu d’expression pluraliste et démocratique, a perdu en quelques années son indépendance  et donc son intégrité, acculée aux dévastatrices compromissions que lui imposent  ses irréductibles difficultés financières. On pourrait y consacrer un chapitre entier pour mettre à nu cette lente décomposition mais je n’en vois pas, ici, l’utilité tant il est aujourd’hui flagrant que nous approchons de leur inéluctable disparition ou de leur remplacement par leur version numérique, pauvre ersatz déliquescent de ce qu’elle fut jadis. Seules demeurent encore quelques publications hebdomadaires ou mensuelles qui portent encore la marque d’une éthique journalistique (Le Monde Diplomatique, Le Courrier International,…) improbables dinosaures réservés à une rare « élite » dont la pérennité me semble plus qu’incertaine. Pour tenter d’être complet il serait injuste de ne pas citer les projets  numériques de substitution que certains journalistes « éclairés » ont tenté  et tentent encore de mettre en ligne sur le net et qui prônent un nouveau modèle économique mixte  (abonnement + accès libre à un club participatif) dont Edwy Plenel  à l’origine de Médiapart et du SPIIL (Syndicat de la presse indépendante d'information en ligne) est  « La » figure emblématique.  Cette unicité porte certainement en elle-même  les limites de l’exercice d’autant  que, derrière son personnage captivant, intègre, engagé, il n’en appartient  pas moins, par son histoire, aux grands caciques de la profession ; ce que prouve d’ailleurs  sa critique indignée,  en son temps, contre le livre  « Les nouveaux chiens de garde » de Serge Halimi (et  contre Pierre Bourdieu par la même occasion) , polémique étonnamment réactualisée récemment par lui-même, et qui permet de penser, au mieux, qu’il n’est pas encore totalement lucide sur le monde qui l’entoure (cf. http://www.acrimed.org/article3759.html http://blogs.mediapart.fr/blog/edwy-plenel/020112/pour-memoire-le-faux-proces-du-journalisme ).
Pierre Bourdieu, à l’époque, lui avait répondu par cette simple question : «Pourquoi ceux qui ont un quasi-monopole de la diffusion massive de l’information ne supportent-ils pas l’analyse des mécanismes qui régissent la production de l’information et, moins encore, la diffusion de la moindre information à ce propos ? Pourquoi un livre dont - au moment où j’écris- il n’a pas été dit un seul mot dans un quotidien soucieux de sa réputation de sérieux, et qui a déjà été lu à ce jour par plus de 70 000 lecteurs, sans doute moins convaincus que les journalistes de la transparence du journalisme, fait-il l’objet d’une mise au point hautaine ?»(Sic !)
_____________________________

Ceci posé, et avant de poursuivre, il me semble, à contrario, nécessaire  de s’interroger sur  ce que pourrait apporter  réellement les « médias » au genre humain et s’ils pourraient servir un véritable projet d’émancipation sociale ou bien s’ils sont, intrinsèquement, source d’aliénation et instrument de domination. Or la difficulté apparente de cette question, déjà débattue à l’infini sans succès, ne me semble résulter que de l’absurde manière dont elle est posée….
Il serait évidemment  plus pertinent  de  se demander : Comment pouvons nous les utiliser pour évoluer ? Et ce simple renversement ouvre des abîmes de perplexité tant il apparait immédiatement que le « nous » actif n’existe pas et que l’objectif de progrès social n’est en rien une ambition collectivement consciente et partagée !  Bien au contraire, nous baignons dans  la confusion idéologique généralisée consubstantielle à l’impérialisme du système économique à l’œuvre sur notre planète. Et toutes les techniques audiovisuelles ne font que la promouvoir et la répercuter : Machines perfectionnées de formatage cérébral des masses, médiation sophistiquée entre dominants et dominés, parfaits véhicules du  simulacre démocratique, et fantastiques moyens de contrôle et de manipulation de l’information à « toutes fins utiles ».
Alors, oui, bien sûr, dans un monde intelligent, de telles technologies seraient un magnifique  outil d’apprentissage, d’interconnexion scientifique et humaine, d’élévation à l’esprit démocratique, de diffusion culturelle, etc. Et bien qu’elles continuent à être présentées et promues ainsi, il est bien facile de percevoir qu’il s’agit d’une belle vitrine sans contenu, si ce n’est quelques rares productions qui n’existent qu’à titre de caution et sont uniquement réservées à l’infime partie de la population susceptible de s’y intéresser, mais qui, parallèlement, servent à valider l’ensemble du système .
Pour s’en persuader, et de manière emblématique, attardons nous sur le « saccage » sémantique, à l’œuvre  depuis quelques décennies, dans  le détournement  progressif  mais systématique  des  termes «communiquer» et  « communication » tous deux au centre de toute l’activité du « champ médiatique ».

  1. Etymologiquement, le premier est emprunté au latin communicare, d’abord « avoir part, partager»: (communier) puis « être en relation avec ». A partir du XVIème siècle il obtient, par construction transitive directe, le sens de « transmettre » (une nouvelle, un sentiment, une maladie). Quant au second, emprunté au latin communicatio « mise en commun, échange de propos, action de faire part » à la fin du XIIIème il est introduit en français avec le sens général de « manière d’être ensemble » et envisagé dès l’ancien français  comme un mode privilégié de relations sociales. Sans s’attarder longuement sur l’évolution postérieure du sens de ces deux mots, corrélée à  la complexification croissante des rapports sociaux  et à notre capacité à les analyser et à tenter de les comprendre (ce qui nécessiterait un chapitre entier…), il est clair que nous abordons ici un élément  fondamental  et  déterminant  de notre condition humaine. Tout en nous, maitrisé ou non,  est « communication » ou d’une manière extensive « langage » à destination d’autrui (verbal, bien sûr, mais aussi gestuel, facial, voire « odorant » ou même mutique, car le silence et l’immobilité sont également signifiants). Toute perception d’autrui induit chez nous une interprétation instinctive de son comportement, un décodage subliminal de ses  intentions. Entre deux animaux humains tout  est donc signes et contresignes, générant ainsi un entremêlement relationnel d’une immense complexité, dont nous n’avons en général que peu conscience et que nous réduisons à l’émission et à la lecture des codes sociaux de notre éducation. La  tentative d’exploration de ce fantastique  univers est d’ailleurs certainement   à l’origine de notre évolution culturelle et de sa sophistication. On pourrait, par exemple, regarder l’ensemble de la création littéraire(ou même « artistique »  en général)  comme un effort permanent visant au  décryptage (à la représentation intelligible) du contact entre humains dont l’intrication émotionnelle sous jacente nous reste pour une grande part inaccessible. A contrario la « civilisation » peut être perçue comme la capacité collective à créer une communication codée (synonyme : caché) assimilée, reproduite et promulguée par tous au point d’être totalement subconsciente, comme «allant de soi ». 
  1. En  comparant  cette complexité ambivalente  avec le sens courant et corrompu qu’en  diffusent  et avalisent  les « médias » à longueur d’émissions (de toutes catégories) il est aisé de prendre conscience de la dramatique régression intellectuelle de notre culture. Du verbe  originel, au sens vaste  et subtil de partage et de relation entre humains,  nous voilà confrontés  à une signification hégémonique, atrophiée, de simple propagation d’un message rudimentaire,  à unique visée mercantile ou doctrinaire. Et l’on nous parle de progrès….!   Ainsi la communication, «concept » central de  «l’univers  du marketing 2 s’est déployée en quelques décennies  dans tous les secteurs dits « sensibles » de la vie économique, mais aussi  sociale, culturelle et surtout politique, et a engendré  l’apparition d’acteurs improbables et ignorants mais perçus comme nécessaires voire indispensables, qui s’autoproclament, avec le sens de la réserve et la modestie qui les caractérisent: Les  «grands communicants ». Tous formatés à  la (le pluriel n’est pas de mise… !) «Loi »  du marché et à la pseudoscience  qu’elle a générée. L’apparition au début des années 2000 des « concepts » de «communication d'influence »  et/ou de « storytelling » et des professions  associées laissent rêveur face au potentiel de duplicité d’un système médiatique perverti et des élites, politiques ou/et économiques donneuses d’ordre. En effet comment ne pas associer de telles pratiques au simple concept de « propagande » que l’on peut  avec Xavier Landrin (enseignant à l’université de Paris-X-Nanterre)  «définir génériquement comme un ensemble, variable dans le temps, de techniques de diffusion idéologique, de savoirs et de stratégies de pouvoir mis en forme par des groupes aux prétentions monopolistes ou hégémoniques, et destinés à construire ou à maintenir des allégeances sociales ». Il décrit également de manière remarquable 3 l’avènement de l’ « industrie des relations publiques », que les Américains qualifient de spin et que le publicne connait qu’imparfaitement à travers l’image édulcoré du spin doctor  mais qu’il caractérise plus précisément  comme « un ensemble de pratiques destinées à la manipulation des nouvelles, des médias, de l'opinion, et plus concrètement d'activités dédiées à la diffusion rationalisée, à une grande échelle, d'une définition partisane des faits ».  

Pourtant je considère  qu’il se trompe en cherchant à distinguer les répertoires propagandistes des régimes démocratiques de ceux des régimes totalitaires ou autoritaires : « L'une des différences les plus importantes entre ces répertoires est donc l'absence de monopole des moyens de propagande dans les démocraties, et la liberté, au moins formellement garantie, d'activités de propagande diverses et contradictoires ». Il s’appui pour ce faire sur une des idées reçues des fondamentaux démocratiques : Le pluralisme. Mais de  cet essentiel  postulat il ne reste plus, aujourd’hui,  que la transposition au champ politique du principe de concurrence fondateur de l’économie néolibérale, et il ne sert plus que de légitimation de façade à une « pensée unique » : « L’économique  mondialisation »! Ainsi  la quasi-totalité des « informations » que véhicule  le champ médiatique globalisé  est d’évidence soumis à son irrésistible  avènement ! La politique gouvernementale  ne propose plus la moindre perspective de transformation radicale susceptible de résoudre les flagrantes contradictions d’un système social délétère  mais se cantonne à « communiquer » dans le seul but de les masquer et d’en atténuer l’impact sur les prochaines élections. Le discours officiel a été vidé de toute « substance politique », au sens historique que ce mot porte en lui
(Cf. Politique) pour ne devenir qu’une « communication » tendant à nous faire croire qu’il n’en est rien. Ne nous retrouvons-nous donc pas, à la lettre, dans sa définition si pertinente de la propagande cité plus haut ?     

  1. Parallèlement, tout particulièrement au sein des nouvelles générations gavées d’audiovisuel, «communiquer » perd progressivement, en même temps que son caractère  intransitif premier, son sens originel de dialogue intime et/ou social, pour n’être plus que la manifestation de l’expression de soi, en quelque sorte la « publicité » de son propre égo. Cet individualisme outrancier  promu systématiquement (matraqué serait certainement plus juste)  par la publicité (directement ou indirectement), mais bien plus insidieusement au sein même des institutions censées « éduquer » ou « cultiver » ces jeunes cerveaux (esprit d’entreprise, réalisation de soi, phantasme de la célébrité, etc.) et relayé sans relâche par le discours économique et politique (idéologique ?) axé sur cette omniprésente autant que stupide nécessité de compétitivité, a finalement sursaturé l’idée même de réussite sociale qui , à présent, ne signifie plus qu’ accession (à n’importe quelles conditions) au sommet !

Et cette incontestable perversion de sens  nous laisse humainement démunis  et désemparés  tant les idées d’échange et de partage sont irréductiblement  indissociables de celle de société et « se » communiquer  n’est qu’une aberration sémantique et un comportement sociologiquement  sans issue.
Ainsi, le « média » audio-visuel est devenu  bien plus que le « canal » d’acheminement  de notre «nourriture » intellectuelle (connaissance, information, culture et divertissement) tel qu’il nous fut présenté (voire même naïvement théorisé) à son apparition et dont les « tenants » actuels  souhaiteraient nous faire croire qu’il n’en est,  aujourd’hui, qu’un fidèle prolongement  juste «techniquement » plus élaboré….  Nous assistons à un double mouvement évolutif, tous deux amplificateurs de notre aliénation à un ersatz de champ informatif  et culturel, en fait une industrie, subordonnée comme toute autre, à la mondialisation marchande  et qui semble à terme, susceptible de corrompre et/ou d’écraser définitivement toute diffusion publique  (mais bien plus gravement toute production…)  d’une information réellement libre et indépendante ainsi que d’œuvres  intellectuelles  « désintéressées », car toutes deux, par définition, nécessairement  émancipées de toute logique commerciale:

  1. En premier l’accroissement fulgurant de l’accès à l’univers audio visuel en particulier via les plateformes mobiles (deux milliards d’utilisateurs début 20114 intensifie (globalise ?) l’emprise de ce que l’on peut définitivement nommer « méta-média »(en tant que média contenant tous les autres) sur l’ensemble de la population mondiale. Il s’impose ainsi comme source unique et universelle de toutes connaissances apte à en contrôler et formater la diffusion. La maitrise de cette technologie est donc, de fait, l’enjeu économique majeur de l’avenir (s’il y en a un !) du  capitalisme néo libéral dans la mesure où il autorise un « marketing  individualisé» vers un tiers (bientôt la moitié) de l’humanité.
  2. En second  un assujettissement exacerbé  et impérieux de l’ensemble du champ de production du contenu audio visuel à l’univers du « marketing » dont le premier critère apparent  de réussite est celui de l’audience (le dieu « Audimat » !) mais dont, en plus, face dissimulée de cette vitrine scintillante,  l’emprise sur la mentalité  des acteurs de ce « champ », est en passe de corrompre et de pervertir  les valeurs dites « déontologiques » de toutes les professions qui le composent. Du rédacteur en chef au pigiste, du producteur au machiniste, de l’éditeur à l’écrivain, de la « star » de quoique ce soit (ou même de rien !) à l’inconnu rêvant d’être à sa place, etc., aucun (je parle bien sûr des  lucides honnêtes…) ne peut  décemment prétendre ne pas se soumettre aux compromissions et à l’autocensure inhérente à la réalisation de tout « produit » audio visuel. Cette vérité  parfaitement assimilée (souvent  même cyniquement revendiquée) dans la plupart des autres pays (enfin ceux qui disposent d’une « industrie  culturelle»!) fait pourtant curieusement encore débat dans notre « beau pays » tant  il est vrai qu’en France la dite « Exception culturelle » est censée  préserver, en un magique tour de passe-passe  politico-médiatique, « Notre Culture », du joug du totalitarisme marchand comme, il n’y a pas si longtemps, les nuages radioactifs de Tchernobyl  furent miraculeusement arrêtés par l’immatérialité de nos frontières ! C’est donc idéologiquement bien « protégés » par notre spécificité nationale d’ « historiques rebelles » que nous subissons quotidiennement l’inepte brouet informationnel  et l’aberrante soupe d’ «entertainments » 5 qu’un minimum de lucidité devrait nous forcer à dénoncer et/ou à fuir mais que nous (La France) arborons sans rougir comme le signe culturel distinctif de notre supériorité. Pauvre de nous !

M’attarder sur l’aspect  industriel et commercial  du premier point m’éloignerait du thème que je tente d’aborder ici, bien qu’il serait facile de s’en servir comme source d’une réflexion plus approfondie sur la production (délocalisée bien entendu !) d’objets hyper technologiques à une telle échelle, et, par exemple, de ses implications en termes  de « coût » humain, environnemental  (matières premières, recyclage, etc.) ou pour  ses effets dévastateurs sur le comportement des nouvelles générations dans leur relation au réel. Mais ce qui m’intéresse le plus ici (et c’est ce qu’ouvre le second paragraphe) c’est de chercher à montrer comment (et pourquoi ?) une société  dotée de tels moyens techniques (pourrait-on dire d’outils ?) d’ouverture à la connaissance les utilise essentiellement à des fins d’asservissement, de propagation de mensonges et de mercantilisme effréné ?
Ce qui devrait essentiellement servir à améliorer le niveau intellectuel des populations, favoriser la solidarité et la prise de conscience de notre seule et unique communauté (l’humaine), fédérer les énergies autour des véritables questions organisationnelles, existentielles  et éthiques que posent la survie et le déploiement harmonieux d’à présent sept milliards d’ « éléments » de notre espèce (sur une planète limitée et fragile dont nous ne sommes même pas capables de comprendre la présence (unique ?) avec la notre  dans l’univers), ne fait que nous submerger de mensonges et d’illusions, promouvoir un système économique toxique et suicidaire et, quotidiennement,  nous avilir au spectacle soit disant « divertissant » de notre propre stupidité !
On ne manquera pas, bien sûr, de m’objecter qu’un tel  jugement sur la totalité du champ de production audiovisuel fait fi de l’extrême diversité des « produits » ainsi que de celle de leurs niveaux de qualités. En France peut-on mettre sur le même plan Arte et TF1, France Musique et  Radio Nostalgie ou France Culture et Europe1 ? S’il y a encore une quinzaine d’années  cet amalgame n’était certainement pas encore possible je pense effectivement, qu’aujourd’hui,  il est bien plus facile d’identifier ce qui les relie que ce qui les différencie. Et s’il est possible de démontrer que plus rien ne sépare réellement un programme  ou un présentateur de France Culture de ceux de Canal + il n’est peut être pas interdit de penser que nous avons définitivement touché, en cette matière, le « fond de la marmite »…..Tentons-le !

  1. D’abord la course à l’audience ! Elle est  à présent déterminante dans toutes les rédactions et directions de programmes  même dans celles dont la mission de service public aurait dû les en protéger. France Culture et France Musique s’enorgueillissent de leurs bons scores (http://www.franceculture.fr/blog-au-fil-des-ondes-2012-04-18-record-d%E2%80%99audience-7-jours-sur-7-resultats-mediametrie-janvier-mars-) et Arte modifie sa grille pour « reconquérir son audience » (http://www.lefigaro.fr/medias/2011/09/16/04002-20110916ARTFIG00643-arte-s-engage-a-reconquerir-son-audience.php).  La flagrance du renversement de valeur qui  permet de valider un programme, quel qu’il soit, par la seule « estimation »  de la quantité de personnes qui l’ont regardé (ce qui ne donne d’ailleurs aucune idée précise de l’intérêt qu’elles lui ont porté…)  et non par une analyse critique et argumentée de sa qualité en tant qu’ « œuvre » est une offense à l’intelligence et démontre, sans autre nécessité, que tout  « produit audiovisuel » s’est définitivement exclu de l’ idée de  culture si l’on désigne ainsi, dans une société humaine, l’ensemble des pratiques individuelles et collectives  qui permettent de s’extraire des contraintes inhérentes à la simple survie et inventent, par la déraisonnable gratuité dont elles sont pétries, le monde dont nous pouvons rêver. Mais il me semble exprimer là une telle évidence que je ne m’y attarderai pas plus longuement…
  2. En conséquence, et ce n’est peut être pas si ardu à déceler, le « formatage » des programmes et des « professionnels de la profession »  s’est uniformisé au point de ne plus pouvoir identifier un «ton France Culture »  ou une « image Arte» à sa seule écoute ou vision,  si l’on y est incidemment confronté …  Cette perte de spécificité, loin d’être anodine, révèle le nivellement dans lequel nous plonge irréductiblement l’assujettissement à ce qui « fait audience », et donc ne peut que reproduire  ce qui  a «déjà  fait audience » générant un dévalement sans fin vers le pire de nos plus bas instincts. Paradoxalement, cette dégradation (ce processus dégradant) s’appuie  sur notre désir  viscéral d’échapper à la normalité de nos existences et donc, sur notre fascination pour l’ «extra-ordinaire» (en deux mots) vers  tout ce qui nous extrait, ne serait ce qu’un instant, de la routine quotidienne de nos vies systématisées. Et le paradoxe est double car cette « ouverture sur le monde», à domicile,  phagocyte chaque jour notre temps disponible et  notre énergie créatrice, renforçant  de fait notre enfermement dans un rituel quotidien, en stimulant artificiellement et ainsi pervertissant notre besoin d’imprévu. Car il ne s’agit pas de nourrir et d’encourager véritablement cette nécessaire et vitale pulsion vers l’inconnu (ce qu’il y a à connaitre !)  mais de la satisfaire par procuration et en surface, en nous gavant d’images  « sensationnelles » qui  attisent  nos  émotions non raisonnées, brutes, celles directement issues de notre cortex archaïque et qui sont, par exemple, à  la base de tout élan de «communion ».  Celles qui accompagnent nos  angoisses ontologiques (l’attirance / répulsion de la mort, de la sexualité, de la violence, d’autrui, etc.) et, en conséquence,  notre « immense » besoin d’empathie, comme la compassion pour les malheureux et  les défavorisés (afin certainement de nous permettre de mesurer le niveau de nos privilèges), le besoin de partage (limité à ceux que nous connaissons et respectons)  et de sécurité avec tout particulièrement la protection des « nôtres » (famille, enfants, amis…). Cette stase émotionnelle fascine tout en interdisant la moindre prise de distance, toute analyse critique, en un mot, la réflexion. Et  il est facile de se rendre compte que parmi les  « médias »  dit culturels (et ils sont peu nombreux) plus aucun n’est immunisé de cette dérive.
  3. Enfin  la porosité journalistique entre les « différents » médias  ainsi que la collusion d’intérêt qui unit les champs journalistique, politique et économique qui ne sont même plus à prouver (cf. comme déjà cité plus haut  Les Nouveaux Chiens de garde)… Pourtant  il est édifiant de constater que cette dénonciation, imparable et non véritablement débattue,  n’a bien sûr pas été « relayée » et n’a donc été suivie d’aucun effet. La démonstration en est d’autant renforcée puisque l’on peut, ainsi, se rendre compte que la contestation radicale du champ informatif s’arrête au cercle de ceux qui la produisent et que l’efficacité du verrouillage semble à toute épreuve. Car ne sont acceptés aux postes clés (cooptés serait plus juste) et surtout reconduits que celles et ceux qui se situent à l’intérieur du cadre d’expression autorisé et formaté. Et en observant le jeu de chaises musicales qui agite le bocal médiatique  chaque automne force est de constater qu’il n’y a plus aucun frein au déplacement des journalistes et que leur marquage idéologique, voire éthique (quand il y en a un !) s'avère d’une formidable élasticité.  En fait ils ne font que s’adapter à l’effondrement du pluralisme dans l’information et à la soumission au modèle économique dominant et dans ce contexte il n’y a plus grande différence (si ce  n’est peut être d’ambiance !?) à travailler pour Le Monde, Canal+, TF1, Arte ou Le Figaro. (A titre d’exemples, le parcours professionnel  de Franz-Olivier Giesbert , grande figure  médiatique du « Paf » depuis les années 70, comme plus récemment celui d’Ali Baddou, de France Culture à Canal+ sans le moindre état d’âme (mais qui cela choque t-il encore ?), en témoigne sans la moindre équivoque). Comme la totalité des « grands organes de presse » est à présent aux mains des grands groupes industriels 6 (en France bien sûr : Lagardère, Bouygues, Dassault, ... mais également  dans l’ensemble des  pays occidentaux dits « démocratiques », il faut faire preuve d’une grande naïveté (ou d’un grand cynisme) pour penser qu’ils nous délivrent une information impartiale, objective et dénuée de toute volonté manipulatrice.  

______________________________________

Alors donc l’information…?
Dans ces conditions qu’ingurgitons-nous, quotidiennement  sous couvert du « libre accès à l’information », suprême attestation de notre appartenance à une société démocratique ? La perversité de ce que nous subissons est immense car le mensonge s’habille en permanence des atours de la vérité, parce que les faux débats nous font croire au pluralisme d’opinions, que les « experts »de tous bords nous assomment de rationalité spécieuse et partiale, que les « intellectuels médiatiques» ne s’exposent que pour « booster » la vente de leurs ouvrages et que les iconoclastes de service (comiques ou pathétiques) ne dévoilent qu’en surface la turpitude sous jacente et ne servent que de caution au système qui les fait vivre.  En fait, la multiplicité des sujets (politiques, économiques, sociétaux comme ils disent, voire scientifiques ou culturels) sont « brassés » au jour le jour, dans la plus grande confusion, sans hiérarchie d’importance (seul l’intérêt supposé du public fait loi), commentés à l’infini sans aucune réelle prise de distance, au ras de l’événementiel, et même si parfois, quelques propos intelligibles et lumineux émergent de ce déprimant  brouet, ils se retrouvent irrémédiablement annihilés par ceux qui leur succèdent.  Ce que l’on nomme « information » n’est, en fait, plus réduit  qu’aux simples commentaires d’une « actualité » qui s’impose selon des critères sur lesquels  le champ journalistique  n’a plus aucune maitrise. Personne ne semble s’interroger sur ce qui amène « à la une » tel ou tel sujet comme s’il existait une évidence à leur « médiatisation » et qu’encore une fois cet « allant de soi » servait de seul justificatif à leur diffusion simultanée et redondante à tous les  journaux de 20h et à la une de tous les organes de presse. Cette commune instantanéité, fuite en avant perpétuelle, ne permet aucune réflexion sérieuse sur l’état du monde où nous baignons, et ne correspond en rien à ce que devrait être une véritable information : « Un ensemble de connaissances réunies sur un sujet déterminé ». C’est, à l’inverse, « l’événement » qui règne en maitre! Le terme, étymologiquement « ce qui arrive »,  porte en lui toutes les limites  de ce qui nous est proposé pour penser le monde.
C’est « ce qui est » qui devrait compter  et non sa manifestation quotidienne et répétitive. C’est un peu comme si l’on prétendait nous faire comprendre une soupe en train de « glouglouter » en se limitant à nous décrire et commenter  les bulles qui viennent y exploser à la surface. C’est ainsi qu’il est tout à fait possible d’autoriser une diversité  contradictoire d’opinions et de jugements  sur « ce qui arrive » quotidiennement dans les rédactions, sans que le système qui produit ces « événements » ne soit jamais en rien questionné. Bien sûr il y a les économistes, sociologues, historiens, philosophes, scientifiques,… toute cette kyrielle d’experts en tous genres qui sont censés nous expliquer notre monde du haut de leurs certitudes universitaires éprouvées et leurs incontestables diplômes.  Mais qui choisit ceux qui « s’imposent » dans la « lucarne », le « poste » et les journaux? Pour ceux d’entre nous à qui reste encore un peu de mémoire il est bien facile de constater que ce sont pratiquement toujours les mêmes depuis des années voire des décennies, et que leur longévité est directement proportionnelle à leur vassalité (consciente ou non) à la pensée dominante. 7
Plus généralement, qui sont donc ceux qui « communiquent », qui composent le champ journalistique et, surtout, d’où nous parlent-ils ?

  1. Les plus visibles, « les stars ! », sont  ceux qui  lisent leur texte  face au prompteur, guidés par leurs « oreillettes » qui n’en ont, en fait, de journalistes que le nom et sont bien évidemment inaptes à s’interroger sur ce qui les fait agir et parle par leurs bouches. J’ai toujours été stupéfait par l’aplomb, la désinvolture ou la suffisance,  avec lesquels  les  « potiches médiatisées » (celles et ceux dont les trombines s’installent quotidiennement devant nos regards médusés) nous débitent une série toujours plus impressionnante de catastrophes, de malheurs, d’obscénités,…  dont le moindre élément, s’il était réellement analysé et présenté dans sa véritable crudité, devrait nous clouer d’horreur et surtout les contraindre, elle ou lui, s’ils étaient pleinement conscients  des réalités ainsi exposées, à courir se cacher pour vomir de honte et de dégout. A contrario, de nos jours, ce qui transparait le plus dans leur attitude c’est d’abord et surtout le contentement, voire la délectation d’être là ! Oublions-les !
  2. Ensuite il y a ceux qui animent et participent aux  émissions dites « sérieuses », aux journaux quotidiens, aux  matinales radiophoniques  (la futilité de celles de la télé ne mérite aucun commentaire), les chroniqueurs et les…experts  (ceux déjà cités plus haut…)!
  3. Et, au sommet de la hiérarchie, viennent les journalistes dit « d’investigation » et peu sont ceux qui semblent conscients que cette désignation, par sa surprenante redondance, jette un total discrédit sur le reste de la profession car s’ils sont les seuls à « investiguer » (étym. « rechercher, enquêter ») que font tous les autres ?

Cette énumération succincte,  constitue ce que Pierre Bourdieu a nommé  le « champ journalistique »,  dont il fait une analyse dans son cours enregistré  au Collège de France le 18 mars 1996 « Sur la télévision » contribution fondamentale qui demeure  toujours, 17 ans plus tard, d’une incontestable pertinence8.  Ce « champ » compris comme « espace social structuré », lieu de rapport de forces et de concurrences spécifiques (entre les personnes mais aussi les différents supports) n’a rien perdu de son bien-fondé conceptuel et permet d’analyser et de comprendre les contraintes et déterminismes qui régissent l’ensemble des acteurs en présence.  Pourtant, aujourd’hui,  à l’écoute (ou à la lecture du texte /Edité par Raison d’agir) il est frappant de constater à quel point les dérives qu’il décrit (mais qu’il pensait, ou voulait croire, encore réformables),  n’ont rencontré aucun frein.  Et même si son engagement comme intellectuel reste essentiel et exemplaire (« Mais à ceux qui opposent toujours au sociologue son déterminisme  et son pessimisme, j’objecterais seulement que si les mécanismes structuraux qui engendrent les manquements à la morale devenaient conscients, une action consciente visant à les contrôler deviendrait possible ») et, sans lequel, je ne serais pas en train d’écrire ces lignes,  force est de constater que sa tentative d’influence sur le champ qu’il a décrit ne l’a en rien modifié, et que la majorité des journalistes (enfin ceux qui en connaissent un peu plus que son nom) le considère avec le mépris et la condescendance que l’on accorde aux théoriciens obsolètes…
C’est une preuve supplémentaire et irréfutable que ce milieu socioprofessionnel est totalement réfractaire à toute critique et ne peut en aucune manière s’auto réformer. En 1998, le documentaire « Pas vu, pas pris » de Pierre Carles (visible sur ce site à la page référence/vidéo) en fournit une autre démonstration, à la fois affligeante et cocasse, en exposant les relations étroites qu'entretiennent les vedettes du journalisme et les hommes politiques et surtout leur mauvaise foi patente devant la mise en évidence d’un discrédit déontologique avéré 9.  Tous ces hommes et ces femmes (dont certains sont toujours présents et actifs et qui apparaissent parfois, avec le recul, émouvants face à l’impudence et  la trivialité des « nouvelles » têtes) qui représentaient  à l’époque le « gratin » du « cercle médiatique », expriment ainsi, par leur gêne, leurs atermoiements, leur colère ou leur cynisme, les limites à ne pas franchir pour perdurer au sein du cénacle et par conséquence, et à leur corps défendant, celles qui régissent  en définitive la production de l’information. Il s’en trouve même (je vous laisse découvrir qui.. !) pour oser affirmer qu’il y a certains faits que « le public ne veut pas connaître » et que ne pas les divulguer n’est en définitive que la manifestation du respect  qu’ils leur accordent. Etonnant, non ?
J’ose prétendre, par expérience, qu’il est impossible, pour tout être muni d’un minimum de sens critique et d’honnêteté intellectuelle,  de visionner ces documents, sans que sa perception du déferlement informationnel qui nous submerge chaque jour, n’en soit, durablement et radicalement bouleversé au point même qu’il lui devienne très vite totalement intolérable.
Enfin  il faut avoir lu la « Charte d’éthique professionnelle des journalistes » Français (cf. Charte2011) dont la dernière version date de 2011 pour mesurer à quel point la perception qu’a ce milieu professionnel  de lui-même est en total déphasage avec ce qu’il produit ! Chaque paragraphe appelle et mérite une confrontation critique avec la réalité. En voici pourtant déjà quelques-uns, sans commentaire, chacun d’entre nous pouvant les examiner  à l’aune de  sa propre expérience de lecteur, d’auditeur et de téléspectateur.
Le préambule :
- « Le droit du public à une information de qualité, complète, libre, indépendante et pluraliste, rappelé dans la Déclaration des droits de l’homme et la Constitution française, guide le journaliste dans l’exercice de sa mission. Cette responsabilité vis-à-vis du citoyen prime sur toute autre. »
- Puis… :
« La notion d’urgence dans la diffusion d’une information ou d’exclusivité ne doit pas l’emporter sur le sérieux de l’enquête et la vérification des sources.»
- « Un journaliste, digne de ce nom»,
- « … tient l’esprit critique, la véracité, l’exactitude, l’intégrité, l’équité, l’impartialité, pour les piliers de l’action journalistique ; tient l’accusation sans preuve, l’intention de nuire, l’altération des documents, la déformation des faits, le détournement d’images, le mensonge, la manipulation, la censure et l’autocensure, la non vérification des faits, pour les plus graves dérives professionnelles ; »
- « ne touche pas d’argent dans un service public, une institution ou une entreprise privée où sa qualité de journaliste, ses influences, ses relations seraient susceptibles d’être exploitées ; »
- « cite les confrères dont il utilise le travail, ne commet aucun plagiat ; » (sic !)
Nous aimerions connaître la liste exhaustive de ceux qui ont signés cette admirable déclaration mais, à ma connaissance, seuls les syndicats de journalistes l’ont fait et il n’est pas rare que des rédactions n’en aient jamais entendu parler… En  juin 2003 Philippe Boure, Docteur en Droit des Médias et des NTIC, chargé de cours en « communication et marketing européens » à l’IUT de Nice avait proposé, une nouvelle charte  qu’il estimait plus en accord avec les mutations  déjà  à l’œuvre il y a dix ans (cf. Nouvelle charte). Particulièrement démonstratif !
Je pense, malheureusement à contrario de Pierre Bourdieu, que nous avons atteint, et dépassé, un point de non retour et que, l’ « à…venir » médiatique n’est plus qu’un effroyable processus  à  décerveler en gestation dont nous ne mesurons peut être aujourd’hui que les prémices et qu’aucune critique, aussi pertinente soit elle, ne peut espérer endiguer. D’ailleurs son optimisme militant d’alors était tout relatif car il débutait son analyse critique ainsi : « Je voudrais essayer de poser, ici, à la télévision, un certain nombre de questions sur la télévision. Intention un peu paradoxale puisque je crois que, en général, on ne peut pas dire grand-chose à la télévision, tout spécialement sur la télévision.»
De nos jours c’est dans tous les médias d’information qu’il est impossible d’exprimer un point de vue radicalement critique, sauf peut être de manière caricaturale ou/et humoristique, ce qui ne sert en fait qu’à  renforcer l’illusion démocratique.  Cette affirmation peut évidemment apparaitre démentie par le simple fait que je suis en train de l’écrire, qu’à priori, personne ne m’interdit de le faire et que ce texte est même susceptible,  un jour, d’être édité. Il existe également de nombreux documents, prises de positions, livres, vidéos, tous consultables (et  j’en cite certains..!) pour celui qui sait les trouver  qui semblent contredire le tableau déliquescent  que je dresse ici. Pourtant l’incohérence s’efface si l’on prend un peu de recul pour replacer cette analyse dans son contexte économico-politique. La « réussite » du « néolibéralisme démocratique » (accolage obscène s’il en est !) et son déploiement  sur l’ensemble de la planète, proviennent essentiellement  de sa capacité, en tant que système, à produire de l’asservissement travesti en réalisation de soi, de la dépendance sous couvert de liberté individuelle, du totalitarisme au goût de pluralisme et de l’inégalité à transcender  par l’esprit d’entreprise.  Et dans le domaine de l’information cette capacité à absorber les contradictions est tout à fait remarquable. Si en apparence tout peut être dit, en fait rien de ce qui n’est pas en phase avec la doxa néolibérale  ne peut être validé. Le discours dominant est  à la fois sous-jacent  et, en même temps, affiché, comme exposé à la critique. Et sa force réside dans cette dualité permanente. Et pour le comprendre il est nécessaire d’avancer  dans l’analyse de la production d’information.  
_____________________________
Si  les journalistes  sont  nos sources quelles  sont réellement les leurs ?  Et quelle est leur légitimité en tant qu’intermédiaire?

  1. Ce questionnement essentiel quant à l’origine de l’information qui est diffusée (« propagée » serait certainement sémantiquement plus approprié) chaque jour vers nos cerveaux  meurtris semble pourtant bien secondaire  pour  ceux qui nous la transmettent.  Ils semblent fonctionner et se comporter comme ils se voient (ou se voudraient) et non comme ils sont et, cela, bien qu’un minimum de lucidité soit suffisant pour  percevoir  qu’ils sont instrumentalisés de toute part et que le seul choix qui semble parfois leur rester, est simplement de décider par qui! Il est d’ailleurs intéressant de revenir au  sens premier des  termes « informer » et  « information » tout deux dérivés de l’ancien français  enformer  « façonner, donner une forme »  et au figuré « représenter idéalement, former dans l’esprit , se faire une idée de» pour se rendre compte que cette « substance informative» censée nous éclairer  porte sémantiquement en elle-même une certaine  ambigüité. Qui agit ? Si je m’informe  je suis acteur de ma propre connaissance, dont, à l’aune du niveau de mon esprit critique, je suis seul  responsable de la fiabilité.  Mais qu’en est-il lorsque je suis informé ? Qui forme en moi ce que je pense de tel ou tel sujet  et dans quel dessein ? Et ceci remonte toute la chaine informative, et devrait créer une scission radicale au sein même des journalistes, suivant qu’ils appartiennent à l’une ou l’autre de ces catégories. Je dis « devrait » car il tristement facile de constater que les spécimens de la première sont l’exception (pour ne pas dire fictifs ou illusoires) si on les cherche uniquement au sein de « l’establishment » médiatique. Nombreux, pourtant, sont ceux, libres penseurs,  qui ont luttés et luttent encore, pour faire émerger des vérités dissimulées que leur curiosité, leur courage et leur ténacité leur ont permis de découvrir ; mais leurs « investigations » se  font  la plupart du temps en « free lance », à travers un parcours d’obstacles voire d’obstructions accablant, en risquant leur liberté et même parfois leur vie et finalement sans grande garantie que leur « révélations » soit divulguées à large échelle et surtout qu’elles puissent en quoi que ce soit bouleverser « l’ordre établi ».  Bien au contraire, et c’est la thèse que je défends ici, je pense que celles qui finissent par être diffusées  servent paradoxalement, in fine, à le renforcer, offrant ainsi aux médias et aux régimes politiques en place une légitimité morale à moindre frais. La succession ininterrompue  des scandales et des injustices  qui alimentent  l’essentiel des  « journaux quotidiens » et dont le seul effet réellement quantifiable est,  d’en « booster » la vente et les audiences  devrait suffire à nous en convaincre et à contraindre le monde journalistique, s’il était en accord avec l’image qu’il a de lui-même, à un minimum de remise en question  et de questionnement  sur sa véritable fonction.  Car n’est-il pas  légitime de s’interroger, lorsqu’on en est à l’origine, sur le bien-fondé, l’utilité et la pertinence  d’un discours dénonciateur,  qui chasse en définitive un scandale par un autre sans en inquiéter réellement les auteurs, ni éviter leurs récidives, tout en permettant à ceux qui le diffusent  de se présenter (et même de se vivre) comme acteurs et garants de la démocratie?  D’autant, qu’en tant que tels, ils se targuent d’impartialité et prétendent à l’objective neutralité… !  Car, si l’on en croit la Charte d’éthique professionnelle des journalistes,  « informer » s’apparente à  chercher et  diffuser la vérité, non pas l’ultime ou la transcendante, mais celle de notre monde, ou pour le moins tenter de s’en approcher. Ainsi « le journaliste digne de ce nom,….  tient l’esprit critique, la véracité, l’exactitude, l’intégrité, l’équité, l’impartialité, pour les piliers de l’action journalistique » et «le journalisme ne peut se confondre avec la communication ». En  se référant  à une éthique qu’ils ont eux-mêmes rédigée (enfin certains d’entre eux), les journalistes, pour démêler le vrai et du faux,  fondent donc leur action sur des valeurs morales, qu’ils se doivent  de répercuter dans l’ensemble de leur pratique. Cela implique donc que le champ (social, économique et politique) dans lequel ils évoluent et qui les déterminent  devrait être le premier objet de leurs investigations car, en plus d’en être dépendant économiquement,  il structure leurs mode de pensée, leurs motivations, tout ce qui, en fait, est pour eux de l’ordre de l’évidence et leur interdit une véritable autonomie d’action et de pensée. Alors que leur perte de crédibilité croissante directement proportionnelle à la prise de conscience de leur partialité et de leur soumission à la doxa néolibérale devrait, pour le moins, les alerter, rien ne semble venir troubler leur apparente auto suffisance. A contrario, c’est bien à une intensification de la diffusion du discours normatif à laquelle nous assistons, tant le renforcement  de l’uniformisation de la rhétorique est patent  même si, ultime tour de passe-passe, apparaissent, ça et là, de « nouvelles » pratiques censées revaloriser leur image.  La plus  en vogue, le « fact checking », littéralement  « vérification des faits », témoigne insolemment  de la duplicité à l’œuvre au sein des rédactions. C’est une pratique journalistique venue des Etats-Unis qui consiste à démasquer, à postériori mais rapidement,  l’inexactitude des déclarations politiques et qui s’impose progressivement depuis 2008 dans les médias français. Non content de n’être que l’affichage publicitaire d’une pseudo-transparence  et d’u n journalisme dit « de qualité » elle montre à quel point ce milieu professionnel a perdu tout sens critique, voire du ridicule. Car cette apparence de véracité informationnelle, en instaurant un espace spécifique au dévoilement, ne fait que souligner en creux son absence notoire dans le reste de l’édition. Ce qui est dit là, cet effort d’investigation, devrait  alimenter tout le travail journalistique et interdire d’abord, en amont, l’expression de ces contre-vérités flagrantes prononcées bien évidemment en présence de journalistes. Oser nommer cette rubrique  « Désintox » (Nouvel Obs. 28mn d’Arte) permet également d’évaluer l’aveuglement (ou le cynisme) dans lequel baigne les rédacteurs tant il est éhonté de leur part de prétendre dénoncer un phénomène (le mensonge politique) au sein d’une rubrique de quelques minutes que, par ailleurs, ils promeuvent et légitiment à longueur d’émissions, d’interview et de communications officielles. Rien de tel, par contre dans le domaine économique ! Aucun sursaut salutaire pour cesser de propager sans aucune réserve l’idée  de« crise économique », torturant et  lancinant  leitmotiv, dont la réalité est sans cesse démentie par les taux de croissance des pays « émergents », les gains mirobolants  des marchés financiers, des « traders », des grands dirigeants des banques et des multinationales, des « stars » du sport et du « showbiz », de l’ensemble de l’oligarchie en place dans tous les pays ainsi que par l’accroissement exponentiel des besoins en énergie et en matières premières, donc de la production mondiale, du transport des marchandises, des personnes (les trafics routier, ferroviaire, maritime, aérien devraient doubler dans les 20 prochaines années), du développement du tourisme, etc. etc. Alors comment et pourquoi ne nous informent / alertent-ils pas qu’il s’agit en fait d’un leurre, destiné uniquement aux classes moyennes  des pays occidentaux (brutalement désindustrialisés et livrés à l’appétit du « marché »)  pour leur faire accepter leur déclassement, la réduction de leurs acquis sociaux et le démantèlement des services publics tous en passe d’être ou déjà privatisés ? Puis avec  la précarité de leur emploi, la nouvelle « conscience sociale » du privilège d’être un assuré  social, d’avoir un logement, de pouvoir éduquer ses enfants, d’être encore accepté à l’hôpital, etc.etc….. Et les « commentateurs » de s’étonner de l’exceptionnel  et irrationnel pessimisme des Français en regard de tous les autres pays du monde alors qu’ils ne manifestent, peut être qu’une toute particulière lucidité et conscience politique, ultime reliquat de leur passé révolutionnaire,  face à l’évidence de l’effondrement civilisationnel en cours… ;  
  2. Je vais profiter de cette interprétation toute personnelle  d’un des multiples sondages qui  auscultent les états d’âmes de mes concitoyens, pour ouvrir le chapitre des statistiques, sources omniprésentes des médias d’information et caution  rationnelle  du concept d’ « opinion publique » (notion dont Pierre Bourdieu, toujours  lui, a, en 1972, brillamment démontré sociologiquement l’inanité) 10
  Les statistiques  sont un domaine des mathématiques, issue de la théorie des probabilités et forment avec elle ce que l’on nomme les sciences de l'aléatoire. Elles participent  au processus décrit plus haut de réification du réel par la numérisation  que la puissance du calcul informatique est en passe de déifier. Pourtant les deux termes soulignés ci-dessus  devraient appeler à une plus grande humilité tant ils nous rappellent qu’il ne s’agit, après tout, que de tenter de rationaliser une pratique divinatoire. Ses succès, essentiellement réservés aux sciences dites « dures » (physique, biologie, etc.), dont elles  tirent toute leur légitimité, deviennent de moins en moins probants lorsqu’ils s’appliquent aux sciences humaines  ou à l’environnement. Il est facile par exemple de constater que les prévisions économiques  à long terme sont à peu près aussi fiables que les météorologiques ! Et celles qui concernent mon propos, qui étayent continûment les affirmations péremptoires des journalistes, des experts en tous genres et des politiques, (« les français pensent que…, nous disent que…, la majorité de la population considère…, etc.», sont certainement parmi  les plus contestables.  Bien sûr, la statistique est un outil essentiel du sociologue, dans la mesure où elle lui permet d’identifier et de comptabiliser les représentations collectives d’un groupe social à un moment historique donné et l’aide ainsi à en comprendre les déterminismes. Par exemple,  il est certainement utile de connaître l’état de lucidité d’une population sur la fonction éducative ou criminogène de l’enfermement carcéral, pour lutter contre les idées, simplistes et reçues, qui bloquent l’évolution, indispensable mais  toujours repoussée, d’une politique punitive totalement inefficace du point de vue de la récidive et avilissante et indigne de celui de l’humaine condition. Par contre il est purement démagogique d’utiliser ces résultats comme la manifestation démocratique d’une opinion partagée pour en tirer la légitimité à proroger et renforcer les ineptes formes  de réclusion en cours.  Et ce type d’utilisation par les journalistes est la norme, bien sûr en politique, mais également pour ce qui concerne l’ensemble des faits dits « de société ». L’ « expert » sociologue ne servant  en général qu’à commenter ces « sondages d’opinion » dont il ne nous est jamais dit quels en sont les réels commanditaires ni les objectifs dissimulés. Tout cela nous est présenté comme une source fiable et incontestable parce que « scientifique», dans un processus d’auto validation réciproque étonnant. Peu importe que l’ « Opinion publique » soit, ou non, un concept rigoureux puisque tous les acteurs du champ politique et informationnel croient, ou font semblant de croire, à son efficacité représentative et l’utilisent comme preuve de ce qu’ils avancent, voire même de ce qu’ils sont ! Puisque, par exemple, l’émergence puis la longévité d’une femme ou d’un homme politique ne dépendent plus que de sa « visibilité » et des « stratégies de communication » censées « booster » sa renommée, son action réelle s’est progressivement réduite à multiplier les sondages pour d’abord « évaluer » l’attente citoyenne, puis  jauger l’impact des discours (bien plus que des actions) censés y répondre, et construire ainsi de toute pièce, une image de femme ou d’homme d’action « collant » au véritables préoccupations des Français.  Que l’ensemble des médias se prêtent, sans aucune distance, à cette mystification démocratique, et bien plus, utilise, à ses propres fins, cette caution pseudo scientifique pour alimenter les « débats de société », qui caviardent les programmes et  dont nous sommes, d’après eux, friands démontre encore une fois  à quel point ce système fonctionne en circuit fermé ainsi que son incapacité structurelle à la moindre remise en question….Est-il acceptable qu’un journal comme Le Monde affiche à sa « une » du 6 février 2013 ce titre accrocheur « Selon le baromètre TNS Sofres 2013, 47% des Français ne perçoivent pas le FN comme un danger pour la démocratie », suivi du commentaire suivant  « Le Front national se banalise et plus d'un tiers des Français adhère à ses idées. C'est le principal enseignement du baromètre d'image (c’est un nouveau concept, ca vient de sortir !) du Front national édition 2013 réalisé par TNS Sofres du 24 au 28 janvier pour France Info, Le Monde et Canal Plus »?  Comme au sein de cette même enquête on peut lire également que  « 63% des personnes interrogées n’ont « jamais voté » FN et « n’envisagent pas » de le faire à l’avenir » et que « 81% n’adhèrent pas aux solutions proposées par ce parti » on est en droit d’abord de se demander si la rédaction de ce quotidien fait preuve d’une totale malhonnêteté intellectuelle ou bien simplement d’une rare bêtise. Et surtout quel est leur véritable objectif en publiant cette « chose » qui est tout sauf une information ? Je vous laisse deviner… !

D’une manière générale toute la « matière première » qui alimente l’industrie médiatique (informationnelle, culturelle, scientifique, etc.) n’est aujourd’hui plus autre chose qu’une marchandise un peu plus sophistiquée que les autres, objet (et sujet) de toutes les spéculations et manipulations courantes dans les autres domaines. Et les informations qui s’habillent des beaux atours de la rationalité y glanent une caution particulièrement précieuse, susceptible de couvrir  n’importe quelle falsification !   

  1. Enfin le tableau ne serait pas complet sans aborder le chapitre des « invités ». Qui sont-ils ? Femmes  et hommes politiques (beaucoup, souvent !), les « acteurs » de la vie économique et sociale et enfin les personnalités du monde du spectacle et du divertissement. Ils constituent un « monde en soi » (tous en nécessaire collusion par delà les inimitiés inévitables)  auquel le simple fait d’accéder sert souvent de diplôme de compétence. Il est facile de constater que la « valeur » d’un intervenant est aujourd’hui directement  proportionnel à sa présence médiatique et cela quel que soit son domaine : Culturel, politique, économique bien sûr (dans l’actualité récente, le cas d’ Artur Baptista da Silva, économiste imposteur, ou l’inverse, vient d’en faire, au Portugal,  une cocasse démonstration) mais également intellectuel. Ce renversement radical de la hiérarchisation du mérite et des savoirs ouvre des abîmes de perplexité car il décrédibilise la totalité du message informationnel. Ceux qui nous parlent, et qui sont adoubés par le système, ne sont pas là grâce au caractère incontestable de leurs connaissances, de leur lucidité, de leur capacité d’analyse mais uniquement parce qu’ils sont des « bons clients ». Ce sont ceux qui constituent le réservoir du « fast thinking » (encore Pierre Bourdieu ; à noter, qu’il parlait déjà à l’époque (1996), de Minc, Attali, Ferry, Finkielkraut, etc. Etonnant, non ?(cf. Note8)) dans lequel puisent sans vergogne la totalité des rédactions télévisuelles car ils sont les seuls capables, alors que les conditions objectives l’interdisent (le stress du plateau, l’exposition théâtralisé, l’inanité de la plupart des questions posées par le présentateur, son pouvoir exorbitant,  ses préjugés conscients ou non, la pression du (faux) débat contradictoire, les interruptions systématiques et  la pendule comme définitif censeur) de « dérouler » un discours fluide et audible et répondre à n’importe quelles sollicitations. Ces gens qui, sont d’abord et avant tout des acteurs en représentation d’eux-mêmes, arrivent à fabriquer l’apparence de la pensée dans des conditions où d’aucun n’est, en réalité,  plus capable de penser. A la question : Comment y arrivent-ils ? Pierre Bourdieu répondait : « Parce qu’ils pensent par idées reçues » ! Effectivement, et je renvois au passage (Pag 30 et 31)  de « Sur la télévision » qui traite de cela, de telles idées, communes par définition, sont donc  « reçues » par l’audience en même temps qu’elles sont émises et ne nécessitent donc aucun effort de part et d’autre : Pas plus de l’émetteur que du récepteur ! J’ajouterais qu’ils y parviennent également par l’entrainement, la référence permanente à une grille de compréhension du réel, schématique et préétablie, à laquelle ils peuvent ramener chaque nouveau problème, une aptitude travaillée à la rhétorique et une autosuffisance intellectuelle inébranlable(les quatre cités plus haut peuvent s’y reconnaître sans peine!). Ce que nous percevons (qui nous est montré !) comme une pratique démocratique, où la parole est libre, pluraliste et contradictoire, n’est en fait qu’une illusion auditive ou/et optique, qui masque avec dextérité la pensée dominante sous jacente. Les mécanismes ici à l’œuvre, bien qu’invisibles, sont du même ordre que ceux qui nous captivent lors d’une (bonne) représentation théâtrale;  mais ils sont, par la capacité technologique de production d’images et la distance paradoxale qui nous sépare de cette pourtant apparente proximité (intimité ?), extrêmement plus difficiles à déceler et à comprendre. Lors d’une communication avec d’autres humains nous sommes capables de déceler une multitude de signes, non verbaux, susceptibles de nous renseigner sur la spécificité et la qualité de la relation que nous sommes en train de vivre. Il n’en va évidemment pas de même lorsque nous assistons à une émission de télévision (même en direct !) car nous n’avons pas accès aux codes qui régissent en sous main les relations qui se jouent sous nos yeux dans une apparente authenticité. D’autre part la fluidité du déroulement de ce qui se passe à l’écran, totalement factice, abuse nos sens en nous laissant croire que nous assistons à des échanges naturels et spontanés. Lorsque nous regardons un film nous savons, quel qu’en soit son magnétisme, qu’il s’agit d’un spectacle et d’une fiction. A l’inverse, l’intrusion de la télévision dans la sphère privée,  à transformé  radicalement notre rapport au réel. Car depuis le début c’est bien de lui qu’il s’agit et de sa représentation filmée. Ce qui nous est donné à voir se veut et se présente comme une description objective de la réalité puisque la télévision a pour ambition (affichée) de nous en rendre compte. Cette transgression conceptuelle est, à mon sens, à  la source de toutes les dérives actuelles tant il est incontestable que l’image (même animée, voire en 3D) n’est pas la réalité. Or il est parallèlement facile de constater que tout, dans l’histoire de la production audiovisuelle, concourt à l’amplification du réalisme comme support évident à la captation de l’audience : Les progrès technologiques, le « naturalisme » travaillé des présentateurs, les reportages « au cœur de l’action » et le recours systématique aux « gens normaux, etc. »…  Et cette dernière pratique incongrue et consternante qui, depuis quelques années,  envahit les écrans et les ondes et « donne » la parole à « l’homme de la rue » mérite que l’on s’y attarde un instant. 
    Car cette mascarade démocratique s’il en est, directement issue du journalisme dit  «de proximité », s’est généralisé au point de crétiniser l’ensemble des journaux télévisés et radiophoniques (France culture et Arte compris !), « entrelardant » d’interview  pathétiques et/ou consternants tout  sujet traité (du reportage de guerre au plus banal fait divers en passant bien sûr par toutes les questions « sociétales », comme ils disent …) mais, ainsi, trahit l’intellectuelle malhonnêteté à l’œuvre au sein des rédactions. En effet, permettre à un « inconnu » (des médias s’entend !) d’émettre un avis sur le monde dans lequel il vit pourrait être, sans conteste, une grande avancée démocratique s’il était considéré avec le même respect accordé au « Philosophe » ou au « Politique » de services.  Par contre lui concéder  quinze  secondes d’antenne, en le présentant au mieux par son prénom,  à la suite d’une question  aussi  stupide que réductrice, ou pour étayer l’analyse (ou plutôt pallier a son manque) de l’«envoyé spécial »local, n’est qu’une lamentable instrumentalisation dont le seul objectif est de susciter chez l’auditeur ou le téléspectateur une identification simpliste et méprisante et de prétendre, sottement, coller au réel ; au même titre d’ailleurs que les images qui accompagnent  les reportages dits « de terrain » (il faut avoir seulement une fois éteint le son pour prendre conscience de leur superficialité et de leurs inutilité !). En fait, il ne s’agit, ni plus ni moins, que de l’intrusion prévisible et inéluctable, et pour le coup masquée, de la télé réalité au plus profond de la sphère informative, « pratique »  jusqu’alors réservée aux  émissions de divertissement (dès le début des années 70 aux USA et  90 pour la France). Cette inflexion, à l’œuvre depuis 1990 aux Etats Unis sous le nom gracieux et éloquent d’ « Infotainment » n’est d’ailleurs plus du tout considéré, même en France, comme une inacceptable dérive: « Le grand Journal », « Le petit … », « On n’est pas couché ! » et bien d’autres « talk-show », car il en est kyrielle,  en sont des preuves manifestes. Comment pourrait-il en être autrement, puisque le processus est consubstantiel à la production télévisuelle soumise à une compétition acharnée à l’audience dont  le « pseudo-réalisme » est l’un des essentiels atouts. Je dis « pseudo » car il ne s’agit jamais, bien sûr, de s’approcher au plus près du réel, ni de le décrypter, de déconstruire les idées reçues mais bien au contraire de nous tendre un miroir apte à sublimer la banalité et la médiocrité de nos existences. Car pour ce « microcosme » là, in fine,  la seule réalité, c’est ceux qui les regardent ! C’est un extraordinaire renversement  de perspective où ceux qui se prétendent la source de nos connaissances enregistrent  nos comportements aliénés sans distance ni regard critique, les idéalisent  en en faisant spectacle et produisent à la chaine la normalisation de notre avilissement et de notre humiliation. L’apparition insidieuse de ces pratiques au sein même du domaine réservé de l’information  (sans aucune exception) marque, bien que personne ne semble s’en soucier, une rupture essentielle dans la représentation que nous élaborons, plus ou moins consciemment  de nos sociétés et de nous-mêmes et scelle, peut être définitivement, toute possibilité d’évolution.

Au terme de cet essai, enfin à celui que je me fixe aujourd’hui pour tenter de m’extraire momentanément d’une réflexion qui m’obsède, je mesure toutes les lacunes de ce survol imparfait d’une problématique aux infinies ramifications. Notre connaissance du monde a toujours été dépendante des représentations que nous sommes capables d’en donner. Mais leurs appropriations, falsifications et instrumentalisations ont  également toujours été l’objet de toutes les convoitises. La société informationnelle globale qui nous est vendue comme progrès ultime de la démocratie n’est qu’une illusion de plus, un paradigme creux qui prétend subroger l’information au savoir. La participation, active et passive, de l’ensemble des acteurs du   champ médiatique à cette mystification m’apparait comme l’élément  déterminant de son « succès » ou de son échec. On peut se prendre à rêver d’un renversement brutal de tendance qui verrait quelques singularités  « renverser  la table » et nous redonner espoir dans notre capacité à endiguer la barbarie économique à l’œuvre. Le triomphe éditorial et cinématographique, à l’échelle mondiale, du roman (fin janvier 2011, le total des ventes s'élevait à 50 millions d'exemplaires)  et du film éponyme « Millénium » peut, à titre d’exemple, facilement être interprété comme la manifestation de  notre impérieux  désir de vérités enfin dévoilées.
Mais, pour l’instant, les médias, par l’auto célébration permanente du discours qu’ils  divulguent, le légitiment comme vérité incontestable de la « marche » du monde….Ce qui est dit, par le simple fait d’être ainsi diffusé, acquiert une valeur  de compétence que rien, ni personne, ne peut véritablement remettre en question. C’est un monde clos, assuré de son rôle d’informateur au sein du système démocratique dont il est le symbole avancé (la liberté d’opinion et /ou de la presse..), (re)produisant  l’orthodoxie du « prêt à penser » qu’il habille, en toute inconscience (ou cynisme), de la croyance fallacieuse en son indépendance.  

______________________________

Afin de soulager la nausée qui m’oppresse, et pour conclure, je voudrais, à titre d’exemple, et pour faire œuvre de réelle « désintoxication » revenir  d’abord sur deux événements majeurs de l’histoire récente, pour le premier  et malgré sa proximité temporelle, totalement disparu des « radars » de nos pourtant, si vigilants, journalistes aux aguets et qui mériterait assurément un « fact checking » de grande ampleur.

  1. Le  11 mars 2011 survint, au Japon, un séisme de magnitude 9, au large des côtes nord-est de l'île de Honshū qui affecta l’ensemble de la côte Pacifique du Tōhoku. Grace aux normes de qualité antisismiques des  constructions en vigueur dans ce pays il n’occasionnât  que peu de victimes. Mais le « tsunami » gigantesque qui en résulta (il a ravagé près de 600 km de côtes et détruit partiellement ou totalement de nombreuses villes et zones portuaires ;  certaines vagues ont atteint  plus de 30m de hauteur et ont parcouru jusqu'à 10 km à l'intérieur des terres!) fut à l'origine de plus de 90 % des 18 079 morts et disparus et de l’ensemble des destructions matérielles  parmi lesquelles  la centrale nucléaire de Fukushima, gérée par la compagnie d'électricité privée japonaise Topco et  située en bordure de l’océan pacifique sur une plateforme à 10m au dessus de la mer….Mais, « pas de chance » la vague, à cet endroit fut de 14….Enfin, qu’en aurait-il été si elle en avait fait 20 ou 25 ! Le « désastre » (étymologiquement  « le mauvais astre » mais ce terme est-il réellement approprié ?) qui s’en suivi  est toujours aujourd’hui, lui littéralement, incommensurable. La pollution radioactive qui s’est dégagée et continue à sourdre des bâtiments dévastés (en particulier du réacteur 4 détruit après une explosion de son « cœur ») va générer des dégâts humains et biologiques  à l’heure actuelle encore indéterminables mais fatalement considérables et ce, à l’échelle de la planète. Et le danger d’une évolution vers une situation paroxystique demeure entier. La structure du bâtiment qui « abrite » le réacteur 4 a été extrêmement affaiblie par le séisme et la piscine de désactivation de cette unité, perchée à 30 m de hauteur, menace soit de s’effondrer avec lui, soit de se vider de son eau à cause de fissures. Et cette piscine contient 1533 assemblages de combustible, l’équivalent de près de 10 fois la quantité de césium 137 relâché par Tchernobyl. Pour les courageux descendez voir la suite ici 11 et visionnez, toutes affaires cessantes, l’appel  à la communauté  internationale de l’ancien ambassadeur du Japon en Suisse Mitsuhei Murata, professeur émérite à l’Université Tokaigakuen enregistré le  20 Septembre 2012. Ici !  Alors qui le sait ? Qui le dit et comment est ce dit ? Comment expliquer et admettre que depuis maintenant presque 2 ans  ce cataclysme, qui a dramatiquement  mis à nu l’impéritie mais surtout l’insanité du secteur de production d’électricité par l’énergie nucléaire à l’échelle mondiale, n’a été suivi, au sein des médias, d’aucune remise en question, pas même d’une  sérieuse controverse ?  Ce qui aurait dû et devrait toujours être perçu, interprété et donc relayé par le champ informationnel comme un des faits historiques majeurs de ce début de siècle par son impact délétère immédiat sur l’ensemble de la population japonaise et, à terme, pour ses conséquences  génétiques impensables, par son caractère imprévisible et donc imparable, par la durée de ses effets néfastes   avant un « retour à la normale » plus qu’hypothétique (décontamination de façade de toute manière matériellement impossible!), par les risques d’aggravation Dantesque toujours non maitrisées et, enfin, par la mise en évidence que ceci peut survenir (va statistiquement survenir !)  à nouveau sur n’importe lequel des 436 (plus les  61 en construction) réacteurs (dont 58 en France) actuellement en activité dans vingt-huit pays différents, a été et continue d’être encore analysé, commenté et diffusé par les mass médias mondiaux au même titre que n’importe quelle autre catastrophe quotidienne, sans qu’il en soit spécifié l’horrifique singularité. C’est l’irrécusable démonstration du processus qui génère la désinformation à partir de l’information au sein de ce que nous nommons démocratie ; car si les faits ne nous sont pas objectivement dissimulés, si tout esprit alerté et curieux peut s’approcher au plus près de l’effroyable vérité (essentiellement grâce à  Internet), la majorité de la population est maintenue  largement en deçà  du seuil de conscience nécessaire pour déclencher sa révolte. Bien loin de focaliser notre attention sur les causes et responsabilités objectives de la réalité historique  en cours, elle nous  submerge par la mise en scène dramatique et pathétique du sort des victimes, de notre humaine faiblesse face au « déchainement de la nature », du courage héroïque des sauveteurs (ou  « liquidateurs », ceux qu’on envoie mourir irradiés au cœur de l’enfer), de la dignité, de la solidarité, du sang froid, d’une population culturellement « accoutumée » et préparée au pire, de toute ses « magnifiques valeurs humaines » que seule l’adversité permet de révéler…., mise en scène à laquelle nous assistons et compatissons  bien au chaud dans notre petit confort douillet (électrique bien sûr !), mi-inquiets et mi-soulagés d’en être encore cette fois  épargné, tenu, aussi paradoxalement qu’il est possible de l’être, à la juste distance du réel pour « jouir » du spectacle sans en être charnellement affecté et pour, finalement, en rien se sentir directement concerné. Fi donc des implications sur la biosphère (dont nous !) puisque promptement invisibles, fi de l’exemplarité qui nous désigne chacun comme la prochaine potentielle victime, fi des choix politiques et économiques erronés et chimériques qui nous ont conduits dans cette impasse, ce cul de sac évolutif, et de la contrainte éthique à les dénoncer, fi  des enjeux financiers aussi colossaux qu’absurdes qui aliènent  en sous main nos destinées, fi  de l’ahurissante connerie qui érige la croissance consumériste, la compétition productiviste planétaire et l’accroissement démentiel en besoins énergétiques qui en découle en unique voie de progrès, fi , enfin il me semble, de la possibilité pour un  journaliste  « digne de ce nom » (comme ils se nomment dans leur charte d’éthique)  de se regarder chaque matin dans le miroir sans risquer l’irrépressible dégoût de soi !

Ainsi  la manière dont cette abomination  nous est à la fois montrée et dissimulée, si l’on en mesure pleinement les implications, pulvérise la crédibilité que nous pouvons accorder  à l’ensemble des autres « nouvelles » dont nous sommes quotidiennement abreuvés et qui construit, renforce, légitime, nos représentations du monde. Notre apparente  « surinformation » dissimule implacablement  les profondes lacunes de ce qui nous parvient et nous laisse impuissants et désespérés car si tout semble dit, rien ne fait sens et la falsification, au grand jour, recouvre  la réalité!  Souvenons nous, il y a maintenant déjà plus de 12 ans…..

  1. Ce XXIème siècle s’est ouvert (je devrais dire fermé !) sur un événement  historique, médiatique et politique majeur, à tel point  inscrit au fer rouge dans la mémoire collective, que seules deux nombres suffisent  à l’évoquer: « 9-11».  Ce qui s’est passé ce jour là, cette rupture irréversible dans le cours de notre histoire humaine, m’apparait, aujourd‘hui, avec le recul et mes connaissances actuelles,  comme  l’ultime moment de basculement vers l’anéantissement de nos dernières illusions démocratiques.  Je n’ai aucun doute sur le mensonge éhonté du gouvernement américain de l’époque désignant, comme seuls responsables   une poignée de « terroristes » supposés appartenir  à Al-Qaïda et à l'islam radical et commandités par Ben Laden, capables (armés uniquement de cutters !) de détourner simultanément 4 avions,  de déjouer la sécurité aérienne de la plus grande puissance militaire mondiale au dessus de New York  et tout particulièrement de Washington, sanctuaire par principe inviolable du territoire américain, d’en encastrer les deux premiers, sans être le moins du monde inquiétés,  dans les Twin Towers de Manhattan et  le troisième, au ras du sol, dans les murs d’enceinte blindés du Pentagone ; quant au 4ème il a été « anéanti » dans un crash mystérieux ! Toute personne dotée d’un cerveau et d’un minimum de culture scientifique ne peut avoir assisté à l’effondrement des deux tours sur elles mêmes, chacune en moins de 10s, alors qu’elles n’avaient  été atteintes qu’à leur sommet, sans être saisi par l’incohérence de ce qui se déroulait sous ses yeux. Car ce temps de 10 s est, à quelques dixièmes près, le même qu’aurait pris n’importe quel objet lâché dans le vide de la même hauteur pour atteindre le sol. Ce qui signifie, que ces deux tours, dont les structures internes inférieures n’ont jamais été directement endommagées, se sont écroulées sur elle mêmes sans rencontrer la moindre résistance susceptible de freiner leur chute. Et 7 heures après les tours jumelles, une troisième tour haute de 47 étages, le WTC7, s'est effondrée en 6,5 secondes. sans raison apparente puisqu'aucun avion ne l'avait percutée.   Bullshit ! Or ce que je viens d’exprimer là, cette évidence d’une irrationalité physique à l’œuvre, aux yeux et au sus du monde entier, que des centaines de milliers de gens ont expérimenté n’a provoqué aucune interrogation, indignation, investigation journalistique à la mesure de l’enjeu en cours. Rien ! La propagation, le doigt sur la couture, de la version officielle et le soutien indéfectible aux discours guerriers qui ont immédiatement surgis dans la foulée et qui valent  au Proche et Moyen Orients,  d’être, depuis 12 ans, à feu et à sang !  Mieux, cette certitude de tromperie, qu’une grande partie de la population, même américaine partage, et qu’un grand nombre d’analyses scientifiques et de témoignages incontestables attestent 12 est très vite devenue une opinion tabou, dont, comble du comble, les « autorités » ont qualifié les défenseurs  de « conspirationnistes ». En quelques semaines, le simple fait de s’interroger sur l’incohérence avérée de ces effondrements est devenu suspect, contreproductif, une offense à la mémoire des victimes, un acte antipatriotique, etc. Et aujourd’hui ce n’est plus que l’expression de théories fumeuses et sans fondements divulguées par un petit groupe de séditieux paranoïaques qui cherchent à manipuler les faibles d’esprits. Je les salue ! Eux et leur courage, leur détermination, leur honnêteté intellectuelle, leur conscience de l’enjeu ! Et je les rejoins !  Car loin de discréditer en ces quelques lignes l’ensemble de mes écrits je me situe du seul côté possible en la matière, pour quelqu’un qui prétend penser, celui de l’intelligence au sens premier  du terme, soit la « faculté  de comprendre ».

S’il existait des « médias » réellement indépendants et s’ils avaient rempli leur mission (ce fameux quatrième pouvoir !) le  monde aujourd’hui serait certainement moins chaotique, les guerres d’Afghanistan, d’Irak, de Lybie n’auraient pas pu être engagées « au nom de la défense de la démocratie » (le cynisme absolu !) et n’auraient donc certainement pas eu lieu et Bush, Cheney et Rumsfeld auraient été destitués. Mais voilà, cet idéal déontologique - toujours vérifier les faits, toujours se méfier des versions officielles, rester objectifs et rationnels - a été bafoué sans aucune réserve, sans le moindre état d’âme, particulièrement en France  où, à l’unanimité, l’ensemble des journalistes a cautionné l’absurdité et les inepties du rapport officiel (que personne n’a lu), et ont surtout écrasé de leur arrogant mépris  de tristes bouffons, toutes les velléités de questionnement ou de la moindre remise en question. Il est donc logique de les voir tous s’agenouiller aujourd’hui devant le lobby nucléaire et s’aligner, sans état d’âme, sur le discours productiviste et financier dominant.

Le 3 Mars 2013
Singulier.eu

Pdf Pdf

 retour vers singulier.eu Retour index

1La transformation du sigle RDF/Radiodiffusion française en RTF/ Radiodiffusion-télévision française puis en ORTF/Office de Radiodiffusion-télévision française pour aboutir en 1975 à TF1 dont on oublie facilement qu’il signifiait Télévision Française 1  témoigne  bien de ce balbutiement sémantique.

2Cette association sémantique (aussi banale et vulgaire en apparence soit-elle et justement du fait de son caractère anodin et consacré), démontre à elle seule l’indigence de notre « culture » contemporaine et son aveuglement devant son affligeante dégénérescence ainsi affichée.
La définition du Journal Officiel du 2 avril 1987  du terme « marketing »,
«L’ensemble des actions ayant pour objectif de prévoir ou de constater, et le cas échéant, de stimuler, susciter ou renouveler les besoins du consommateur, en telle catégorie de produits et de services, et de réaliser l'adaptation continue de l'appareil productif et de l'appareil commercial d'une entreprise aux besoins ainsi déterminés », accolé à l’étymologie d’univers,
« C’est la substantivation d’après le latin universum, de universe monde (v. 1175) où le mot est adjectif. C’est un emprunt au latin universus qualifiant la totalité d’une chose comme telle, formant des expressions avec mundis, orbis, terra. Universus « intégral », proprement « tourné de manière à former un ensemble » est composé de unus (un) et de versus participe passé de verterer (tourner vers), révèle en un éclair (de lucidité !) la réalité objective de l’état de notre société, ainsi décrit et revendiqué impudemment comme la   marchandisation intégrale, « tournée de manière  à former l’ensemble »  de notre  monde dans sa totalité.   
Et pour ce faire une idée plus précise, expliquée sans aucune distance, de ce qu’est le « marketing » cf.  http://fr.wikipedia.org/wiki/Marketing 

3« Propagande », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 9 décembre 2012 :
http://www.singulier.eu/textes/reference/texte/Propagande.html

4 "Début 2011", les abonnés à la téléphonie mobile atteignaient plus de cinq milliards, tandis que les utilisateurs d'Internet dépassaient légèrement les deux milliards, a annoncé mercredi 26 janvier 2011 le chef de l'Union internationale des télécommunications (UIT), Hamadoun Touré.
"Au début de l'année 2000, il y avait seulement 500 millions d'abonnés à la téléphonie mobile dans le monde et 250 millions d'utilisateurs d'Internet", a déclaré M. Touré devant les médias.  Source Le Monde.fr

5Ce mot anglo-saxon défini  une action, un événement ou une activité qui vise à divertir, amuser et intéresser un public ; associé au terme « broadcast » il permet de catégoriser l’ensemble des productions télévisuelles ayant pour objectif de « divertir » les populations alors que le seul terme français à notre disposition (est ce un hasard ?), divertissement, est totalement inapproprié pour rendre compte de ce champ d’activité ….

6Il est facile de s’en rendre compte en lançant une recherche sur ce thème via Internet mais vous pouvez consulter les rapports suivants : « La concentration dans les médias en France » 14 avril 2004 de Janine et Greg Brémond  ainsi que « La concentration dans l’édition et ses effets » 19 décembre 2002  des mêmes auteurs  pour l’Observatoire Français des Médias aujourd’hui disparu du net. Bien que daté qui pourrait croire que l’état des lieux en 10 ans n’a pas empiré ? Et l’on peut s’interroger sur le fait que depuis aucune publication sérieuse ne soit venue actualiser ce travail bien isolé !?

7Pour illustrer cette affirmation reportez vous à cet article : « Les voix enchanteresses de l’économie sur France Culture » par Mathias Reymond, le 30 mars 2009 (et ce, à titre d’exemple, car c’est une expertise qui  pourrait être reproduite pour l’ensemble de cette caste d’intellectuels médiatisés et médiatiques qui sévissent sur tous les champs politiques, économiques scientifiques et culturels). 
Un extrait : «Sept économistes pour quarante émissions »
« Durant la période du 1er janvier 2004 au 1er mars 2009 - soit sur cinq ans et deux mois - 81 cartons d’invitation ont été distribués à des économistes. Et nous devons l’avouer avec tristesse, cher Olivier Pastré, les chiffres parlent contre vos affirmations : la diversité n’est pas vraiment au rendez-vous, et la concurrence libre et non faussée des points de vue vire à l’oligopole, puisque seulement sept experts se partagent 40 de ces invitations. Ainsi Daniel Cohen (9 invitations), Jean-Paul Fitoussi (7), Elie Cohen (6), Jacques Généreux (6), Nicolas Baverez (4), Jean-Hervé Lorenzi (4) et Patrick Artus (4) ont trusté la moitié des débats économiques dans les matinales de France Culture.

8Rien de ce qui suit   n’aurait  pu être écrit (voire même pensé)  sans la lecture et l’écoute de la conférence de  Pierre Bourdieu  enregistrée au Collège de France le 18 mars 1996 (disponible sur internet  et également sur ce site à la page Références/Vidéos).et dont il existe une retranscription éditée  par les Editions Raisons d’Agir et intitulé : « Sur la télévision »

9Le 6 juin 1994, une conversation privée de 8 minutes entre François Léotard (ministre de la Défense) et Étienne Mougeotte (directeur des programmes de TF1) est enregistrée avant une retransmission en direct d'un journal de télévision. Cette conversation montre clairement leur amicale complicité.

10Célèbre exposé provocateur de Pierre Bourdieu  fait à Noroit (Arras) en janvier 1972, tel qu’il est paru dans Les Temps modernes, n°318, janvier 1973 (pp. 1292-1309). Consultable sur Acrimed.org ici !  ou bien sur ce site ici !

11Extrait de : Appel urgent pour éviter une nouvelle catastrophe nucléaire mondiale
« …si le combustible n’était plus refroidi par de l’eau, il s’échaufferait, se dégraderait, et provoquerait un incendie dispersant la radioactivité dans l’atmosphère ; or le système de refroidissement de la piscine de l’unité 4 n’a pas d’installation de secours et tombe régulièrement en panne, et en cas d’incendie des assemblages d’uranium et de plutonium, il ne serait plus possible pour les hommes d’intervenir sur le site tant la radioactivité serait élevée et cet incendie de la piscine de l’unité 4 provoquerait l’abandon de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi qui recèle à elle seule près de 2500 tonnes de combustible nucléaire, correspondant à une radio toxicité 90 fois supérieure à Tchernobyl.
Il est utile de savoir que le très fort séisme de mars 2011 a augmenté la probabilité d'autres tremblements de terre dévastateurs qui pourraient à l'avenir provoquer l’effondrement du bâtiment réacteur n°4 déjà à moitié ruiné, et que de nombreux experts dans le monde entier sont d’accord sur la nécessité d’intervenir au plus vite pour éviter l’évacuation du Japon mais aussi une catastrophe radiologique internationale mettant en péril la santé de l'ensemble des hommes et de leurs descendants et que d’autre part la compagnie Tepco considère qu’il n’y a pas de danger d’effondrement de cette piscine et qu’elle compte mettre plusieurs années pour transférer le combustible dans un lieu sûr.

12Voici une liste de sites et documents consultables en ligne :
- Le site référence  http://www.reopen911.info/ 
- Le film documentaire « zéro » du député européen Giulietto Chiesa  http://zero.reopen911.info/
- Le film  documentaire « Épouvantails, autruches et perroquets - Dix ans de journalisme sur le 11 septembre » du journaliste Olivier Taymans :  Une  étude remarquable et étayée sur la façon dont les médias ont évité pendant dix ans de parler des zones d’ombres et des remises en question qui planent sur les événements du 11-Septembre. http://epouvantails.collectifs.net/